Ce blog est destiné à stimuler l'intérêt du lecteur pour des questions de société auxquelles tout citoyen doit être en mesure d'apporter des réponses, individuelles ou collectives, en conscience et en responsabilité !
2 Mai 2012
Le contenu du Pacte budgétaire et fiscal adopté lors du Conseil européen qui s'est tenu le 30 janvier 2012 comme la communication politique qui en a résulté (cf. Déclaration des membres du Conseil européen(1) sur la voie d'un assainissement axé sur la croissance et d'une croissance favorable à l'emploi (Bruxelles, 30 janvier 2012 ainsi que Communication des États membres de la zone euro (Bruxelles, 30 janvier 2012)) ne parviennent à rassurer ni les citoyens, ni les consommateurs, ni les marchés (cf. La perspective d’un nouveau traité européen ne parvient pas à rassurer les marchés (Touteleurope.eu)).
Malgré les avancées substantielles qu'il rend juridiquement possibles, ce traité qui est désormais intitulé TREATY ON STABILITY, COORDINATION AND GOVERNANCE IN THE ECONOMIC
AND MONETARY UNION (cf. 08 - tscg.fr.12 ainsi que l'excellente analyse de son processus d'léaboration
proposée par Valentin Kreilinger - Le « making-of
» d’un nouveau traité : six étapes de négociations politiques, par Valentin Kreilinger (Notre Europe)), pour utile et nécessaire qu'il soit, ne résoud pas la totalité des défis
auxquels sont confrontés l'euro et l'eurozone ! D'autres mesures sont encore nécessaires !
Le président actuel de la Bundesbank, Jens Weidmann, ne vient-il pas de reconnaître que ce traité était insuffisant face à la crise ? (cf. Le pacte budgétaire insuffisant face à la crise, selon Jens Weidmann, le président de la Bundesbank )
Le Parlement européen a tiré à boulets rouges sur ce texte en déclarant ce Traité inutile quelques jours avant le sommet européen tout en étant conscient que le désaccord au fond entre la position allemande et la position française ne créait pas les conditions requises pour une solution plus fédéraliste !
Plus récemment, le Mouvement Européen-International (ME-I) s'est réjoui des progrès réalisés lors du sommet européen du 30 janvier tout en soulignant que les mesures prises ne sont pas suffisantes. « Les résultats obtenus ne sont pas assez ambitieux et arrivent trop tard. Ce dont nous avons besoin c’est d’un pacte fiscal assorti d’un pacte de solidarité », a déclaré Jo Leinen, Président du ME-I. Le ME-I regrette que seuls 25 Etats membres aient accepté les règles communes. « Le fait que le gouvernement tchèque ait rejoint le Royaume-Uni dans l’opt-out sur l’accord fiscal montre les limites de la méthode intergouvernementale » a critiqué Jo Leinen. « Nous avons besoin d’un gouvernement économique européen, basé sur la méthode communautaire et responsable devant le Parlement européen ». « Les objectifs fixés dans le pacte pour la croissance et l’emploi, et particulièrement les mesures envisagées pour réduire le chômage massif des jeunes sont bienvenus », a poursuivi Jo Leinen. « Les chefs d’Etats et de gouvernements européens se penchent enfin sur les aspects sociaux de la crise. La croissance et le chômage doivent bénéficier du même niveau de priorité que les questions économiques et fiscales. Mais outre la nécessité de redistribuer les fonds disponibles pour la réalisation d’objectifs sociaux, ce dont l’UE a besoin pour sortir de la crise, ce sont de nouveaux programmes pour l’emploi et la croissance », a insisté le président du ME-I.
Les députés socialistes français et allemands membres du Parlement européen jugent quant à eux inacceptable certaines dispositions du traité ayant un impact sur les salaires et/ou une dimension sociale (cf. Le pacte Merkel-Sarkozy est inacceptable tant au niveau de la méthode que du contenu – Der Merkel-Sarkozy-Pakt ist inakzeptabel – was die Methode anbelangt wie auch den Inhalt )
Comme le souligne Carole Ulmer (cf. Un Traité mal conçu d’un effort nécessaire ? par Carole Ulmer (Interface n°73 - Confrontations Europe)), "un traité centré sur la seule diminution de la dette publique alors que la dette privée est plus lourde passe à côté des difficultés du processus de désendettement ! Pour sortir de la crise, « les déficits publics sont des contreparties naturelles et le principal facilitateur pour le nécessaire désendettement du privé » affirme Martin Wolf. Seul un surplus de balance extérieure permet de réduire le déficit d’un Etat dans le contexte du désendettement du secteur privé. Or tout le monde ne peut pas, par définition, être en surplus ! Le resserrement budgétaire doit donc bel et bien être sélectif et une coopération entre Etats membres s’impose."
Enfin, comment pourrions-nous ignorer l'analyse remarquable que propose Antonio Vitorino, ancien Commissaire européen qui préside aujourd'hui Notre Europe ? Il dégage de ce traité ses forces autant que ses faiblesses avec une lucidité qui mérité le détour (cf. Le « TSCG » : beaucoup de bruit pour rien ? par Antonio Vitorino (Notre Europe) ainsi que Entretien avec António Vitorino à l’occasion du Conseil européen des 1er et 2 mars 2012 (Notre Europe))
Dans un précédent article soulignant que l'accord des chefs d'Etat et de gouvernement obtenu lors du sommet
européen des 8 et 9 décembre 2011, j'ai émis l'idée que d'autres voies que celle d'un tel traité auraient dû étre explorées en préalable (cf. Un
accord utile mais qui ne peut être considéré comme l'alpha et l'omega ! ainsi que Une
réponse politique et institutionnelle à l'instabilité et à l'insécurité créées par l'incapacité de répondre efficacement aux chocs financiers
systémiques).
Depuis sa parution, outre les positions très claires en la matière de
quelques députés européens, et non des moindres (Guy Verhofstadt, Daniel Cohn-Bendit, Elmar Brok, Andrew Duff, Roberto Gualtieri, Sylvie Goulard, etc.), peu de réactions publiques sont allées dans le même sens, les regards restant étrangement focalisés sur le processus
d'établissement du nouveau traité.
De toute évidence, au delà des aspects sociaux de la crise qui motiveraient effectivement l'établissement d'un pacte de solidarité comme le demande Jo Leinen, ce traité ne résoudra pas l'ensemble des problèmes structurels et macroéconomiques que traversent non seulement la zone euro, mais, plus globalement l'Union économique et monétaire.
Quelles peuvent bien en être les raisons ?
La première raison tient à l'inefficacité du système actuel de gouvernance multilatérale. Les peuples assistent aujourd'hui, impuissants, à la manifestation régulière de l’incapacité de la puissance publique internationale incarnée dans des fora de régulation multilatéraux (G-8, G20, Union européenne, etc.) et internationaux (Institutions financières internationales) de produire un sursaut salvateur à même de pallier le défaut d’autorégulation des marchés financiers et des opérateurs bancaires par des mesures prudentielles et assurantielles appropriées autant que la défaillance des analystes et prévisionnistes de tous poils a participé à amplifier la défiance des agents économiques et sociaux à l’égard des gouvernants autant que de l’expertise technique sur laquelle les premiers tendent à appuyer leurs décisions.
Combien de décisions politiques prises au plus haut niveau des Etats n'ont pas été respectées depuis dix ans, qu'il s'agisse du Pacte de stabilité et de croissance, des termes des accords issus des différents sommets européens de la "dernière chance", du processus dit de Lisbonne, ou tout simplement du Traité du même nom ?
Que de temps perdu, de tergiversations improductives et de drames économiques et sociaux depuis que l'institution communautaire désignée par le Traité comme l'instance de l'Union en charge de la gouvernance économique a publié ses propositions pour améliorer celle-ci (cf. Gouvernance économique de l'UE : la Commission propose une surveillance budgétaire, macro-économique et structurelle renforcée ), ainsi que pour relancer la croissance ainsi que la confiance (cf. "Ensemble pour une nouvelle croissance" : L'Acte pour le marché unique - Douze leviers pour stimuler la croissance et renforcer la confiance (Communication de la Commission européenne - avril 2011) ) !
Que d'erreurs d'analyse et de communication politique de la part de celles et de ceux qui, bien qu'étant en responsabilité, confondent encore banques et marchés (cf. Ne confondons pas banques et marchés ! par Charles-Henri Filippi (Le Monde)) et préjugent de l'adhésion effective des peuples et de leurs représentants démocratiques aux mécanismes complexes qu'ils élaborent sans les avoir associer par des processus appropriés (cf. à cet égard, notamment Mécanisme européen de stabilité : symbole d'une Europe de moins en moins compréhensible par le citoyen, par Paul Goldschmit ).
Les agences de notation sanctionnent désormais ce laxisme politique aux effets économiques et sociaux catastrophiques !
Qui peut s'en plaindre vraiment puique aucune autre organisation n'a jusqu'ici osé poser les diagnostics qu'elles posent
?
L'agence de notation chinoise Dagong Global Credit Rating prédit pour 2012 une aggravation de la crise financière mondiale. Pour elle, "au lieu de s'atténuer
progressivement, [la crise] va s'accentuer, ce qui signifie qu'une crise monétaire va se développer à partir de l'actuelle crise des dettes souveraines", selon un rapport publié mercredi 18
janvier. La situation est particulièrement grave dans la zone euro, selon l'agence chinoise, car à "une bulle de dettes des gouvernements s'ajoute une bulle de dettes du secteur
bancaire". (cf. L'agence de notation chinoise très
pessimiste pour 2012 (Gecodia.fr)
A la différence des 3 grandes agences Moody's, Fitch et
S&P, l'agence chinoise met l'accent sur la croissance et sous-pondère des critères comme la privatisation et la libéralisation des marchés.
" L'interaction entre les deux prend la zone euro dans un cercle vicieux " et " le facteur d'instabilité que
constitue les dettes entre Etats dans la zone euro et l'expansion excessive du secteur bancaire ". La mention du secteur bancaire est intéressante car l'agence de notation chinoise insiste
fortement sur le risque de crise bancaire grave nécessitant des mesures de soutien coûteuses.
De plus, selon Dagong, le risque de contagion des pays
les plus fragiles aux pays cœur (Allemagne, France, Benelux, Autriche et Finlande) est très fort. Les pare-feux mis en place par les autorités européennes (FESF et bientôt MES) ne suffisent pas à
stabiliser la zone. Le FMI ne dispose pas non plus des fonds nécessaires. Le FMI a d'ailleurs annoncé sa volonté d'augmenter de 500 milliards de dollars. 192 milliards de dollars sont déjà censés
venir des Etats de l'Union européenne sous la forme de prêts bilatéraux. Les Etats-Unis resteront à l'écart et le restant devra provenir des pays émergents. Or, ces sommes sont très conséquentes,
ce qui pose problème pour les Etats européens déjà très endettés aussi bien que pour les pays émergents qui n'ont pas forcément cette priorité. Et la croissance ne sera pas nécessairement au
rendez-vous en 2012 (cf. à cet égard Le FMI réduit sa prévision de croissance
mondiale).
Il y a plus que jamais urgence à Reconstruire la confiance dans la capacité des Etats à honorer leurs engagements, notamment politiques et financiers (cf. également à cet égard Rétablir la confiance, par Martin Wolf (Le
Monde))
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Voir la suite de l'article : Malgré les avancées substantielles qu'il rend juridiquement possibles, le Pacte budgétaire et fiscal ne résoud pas la totalité des défis auxquels sont confrontés l'euro et l'eurozone ! (2)