Les institutions européennes comme les capitales nationales restent étonnamment sourdes aux nombreux appels en faveur d'une relance des investissements européens en matière de défense
En écho à la déclaration à la tonalité martiale de Hervé Morin relative au trou budgétaire qu'il déplorait en France à l'égard des investissements militaires (cf. Selon Hervé Morin, il manquera entre 20 et 30 milliards d'euros pour l'équipement des armées françaises sur la période 2012-2020 ), et à la veille de son départ à la retraite, le secrétaire d'Etat à la Défense américain, Robert Gates, a assuré, le 10 juin 2011, à Bruxelles, lors d'une conférence du SDA, que l'Alliance atlantique s'expose à un risque d' " inutilité militaire collective " si ses membres européens n'augmentent pas leurs dépenses militaires. Il a appelé les Européens à " devenir des partenaires sérieux et capables pour ce qui relève de leur propre défense ".
" Dans l'avenir, afin d'éviter la possibilité très réelle d'une inutilité militaire collective, les Etats membres doivent examiner de nouvelles approches pour accroître leurs capacités de combat ", a-t-il dit avant de rappeler que les Etats-Unuis contribuent à hauteur de 75 % aux dépenses de défense globales des pays de l'Alliance. Et d'avertir que le débat en cours à Washington sur le déficit budgétaire et les moyens de le juguler n'est pas de nature à conduire les Etats-Unis à " dépenser de plus en plus de fonds précieux au nom de nations qui ne veulent visiblement pas allouer les ressources nécessaires ou entreprendre les changements nécessaires pour devenir des partenaires sérieux et capables pour ce qui relève de leur propre défense "
Dans l'immédiat, les lacunes d'investissement et les failles dans l'engagement des alliés sont susceptibles de compromettre l'efficacité de l'OTAN en Lybie.
Profitant d’un déplacement à Londres, A.F. Rasmussen a profité de l’occasion pour répéter le message serriné par Robert Gates : les Européens doivent mettre « la main à la poche » pour assumer leur défense. Dans une interview au programme « Newsnight » de la BBC, le secrétaire général de l’OTAN dit partager son inquiétude. « L’OTAN est plus que jamais souhaitable et nécessaire ». Ce n’est pas seulement une question pour l’OTAN – souligna-t-il – mais aussi pour l’Europe. « Si l’Europe veut jouer un rôle plus significatif sur la scène mondiale dans le futur et prendre part aux missions de gestion de la sécurité internationale, alors l’Europe a besoin aussi de capacités militaires critiques et de consacrer à la défense des investissements d’un certain niveau ».
Un message qui tombe à pic à Londres où plusieurs haut responsables de l’armée et députés britanniques demandent au gouvernement de revoir les coupes budgétaires induites par la révision stratégique. Mais un message difficile à faire entendre dans nombre de capitales confrontées à des difficultés budgétaires et économiques sans précédent depuis 30 ans (crise pétrolière de 1974), voire 80 ans (crise de 1929), et à justifier face à une opinion publique qui ne comprend pas et n’approuve pas certains engagements extérieurs comme l’Irak et l’Afghanistan.
D'autres appels émanant soit de parlementaires nationaux ou européens, soit d'experts avaient préalablement été lancés en ce sens.
Aucun d'eux ne semble avoir été entendu lors de l'élaboration du prochain cadre financier pluriannuel de l'Union européenne qui constitue, de toute évidence, tant pour les Etats européens que pour l'OTAN elle-même, le seul cadre politique et institutionnel en mesure de dégager des solutions financières, budgétaires ou non, susceptibles d'inverser la tendance.
Celà tient principalement au recul du projet politique européen au coeur même des institutions européennes à l'exception remarquable du Parlement européen (cf. à cet égard De la fragmentation politique d'une Union européenne toujours en quête d'un projet politique clair et d'un leader charismatique (1) - nouvelle édition - ou encore http://www.bruxelles2.eu/politique-etrangere/haut-representant/lerreur-ashton.html) ainsi que dans ce qui anime, ou semble animer, aujourd'hui les principaux chefs d'Etat et de gouvernement d'une Europe largement dominée par une droite en quête d'un nouveau projet politique après l'effondrement de son socle idéologique sur le registre économique (cf. par exemple à cet égard Une France anti-européenne ? Un problème situé… à l’Elysée ? par Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles2.eu) ), à l'exception de quelques très rares personnalités aux convictions européennes profondément ancrées qu'il n'est pas utile de citer ici tellement elles sont aisément identifiables !
Fort heureusement, les négociations qui s'engagent à son égard ne font que commencer (cf. La conduite à observer devant les positions tranchées affichées par les gouvernements à l'égard des propositions initiales de la Commission européenne). Elles seront longues et mouvementées ! Les dossiers les plus politiques feront indubitablement l'objet de décisions au plus haut niveau des Etats lors de leur stade ultime ! La situation des capacités militaires et de leur financment en Europe se sera encore dégradée faute d'avoir voulu et su agir en temps et en heure ! Tout est donc encore possible ...
Gardons espoir ! A ce niveau là d'exigences politiques et stratégiques, nécessité fait toujours loi !
Voir également à ce sujet, notamment :
ainsi que de nombreux articles de ce blog publiés sur ce sujet dans la rubrique : UE, UEO, OSCE, sécurité & défense