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Publié par Patrice Cardot

Les débats désormais ouvertement engagés sur les formes à donner à la réorientation de l'Union laissent à penser que nous nous engagerons progressivement dans la voie d'une fédération d'Etats nations à plusieurs vitesses, le cercle le plus intégré se constituant très probablement autour de l'euro !

Une telle réorientation de l'Union est déjà à l'oeuvre.

En effet, si l'esprit, sinon toute la lettre, du fil conducteur des réformes introduites pour la gouvernance de la zone euro et/ou pour la consolidation de l'Union économique et monétaire tend à renforcer les pouvoirs de régulation et de supervision du niveau supranational, cette évolution vers un modèle fédéral s'accompagne simultanément d'un vaste mouvement vers une plus grande harmonisation, une plus grande convergence, une meilleure coordination des politiques économiques, budgétaires et fiscales entre le niveau communautaire et le niveau national, d'une part, et entre les Etats-membres, d'autre part. Il suffit pour s'en convaincre de relire le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ou de prendre toute la mesure des ambitions portées par le processus dit du semestre européen, ou encore par les instruments connus sous les libellés six pack et two pack.

Une telle réorientation nécessite pour autant un 'ajustement' du traité.

Autant que les questions fondamentales soulevées par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe lors de la procédure de ratification par l'Allemagne du Traité de Lisbonne (cf. à cet égard La Cour de Karlsruhe a jugé que le traité de Lisbonne était "compatible" avec la Loi fondamentale allemande à condition que l'Allemagne se dote d'un nouvel arsenal législatif), elle appelle un examen attentif des dispositions de ce traité qui ont trait aux catégories et domaines de compétences de l’Union ainsi qu'aux principes qui régissent leur attribution, leur exercice, ainsi que les dispositions qui ont trait à leurs éventuelles limitations et modifications.

Un tel examen doit conduire à opérer dans le droit primaire européen établi par le traité un certain rééquilbrage de l'exercice des compétences partagées entre l'Union et ses Etats membres qui vise non seulement à rendre possibles mais bien plus encore, à favoriser les indispensables coordinations, convergences, harmonisations que le Traité de Lisbonne, en son état actuel, ne favorise pas en raison notamment des ambiguîtés et incohérences au fond induites à la fois par le silence du texte sur certains points clés, et par le contenu des dispositions de certains des protocoles et déclarations qui y ont été annexés. Il en va notamment ainsi de l'exercice des compétences partagées (*).

Une réécriture des dispositions des textes en cause doit être entreprise afin de mettre en cohérence la forme décidée pour la réorientation de l'Union, le champ d'attribution et les modalités d'exercice des compétences. 

Les concepts de 'programmation conjointe', d' 'initiative technologique conjointe' et de 'partenariat public-public' comme les méthodes qui y sont attachées doivent pouvoir trouver dans le traité un cadre juridique approprié à la généralisation de leur emploi à de nombreux domaines politiques à l'égard desquels les Etats membres ont souhaité attribué une compétence à l'Union, qu'elle soit partagée ou d'action d'appui, de coordination ou de complément. Ne serait-ce que parce qu'ils favorisent les synergies, les cohérences, les coordinations qu'exige une plus grande intégration économique et politique au sein de l'Union européenne, et parce qu'ils s'inscrivent en parfaite cohérence tant avec l'esprit comme avec la lettre des intentions qui ont présidé à la mise en place du semestre européen ( Le "semestre européen", nouvel outil de coordination des politiques économiques et budgétaires (Europaforum.lu) ainsi que Retour sur le semestre européen : objectifs, atouts, questions en suspend ) qu'avec la généralisation du recours à ce processus dans les mois et années à venir (cf. notamment à cet égard La Commission présente les prochaines étapes en vue de la réalisation d’une union économique et monétaire). 

Aujourd'hui, différentes formes d'initiative technologique conjointe (cf. notamment Connaissez-vous les Plates-Formes Technologiques Européennes (ETP/PFTE) et les Initiatives Technologiques Conjointes (ITC) ?), de programmation conjointe (cf. CH progr conj 16 juin12 - final CH progr conj 16 juin12 - final) et de partenariat public-public sont déjà à l'oeuvre, que ce soit dans le champ des actions structurelles ou dans ceux de la recherche et de l'innovation  qui permettent d'ores et déjà d'esqusser de nouvelles formes de solidarité, de coordination, de convergence, de mutualisation, de spécialisation et de partage entre l'Union, ses Etats membres et, autant que faire se peut, les collectivités territoriales.  

Une évaluation approfondie de leurs performances en termes d'efficacité de la dépense publique, de gouvernance, d'impacts sur la compétitivité, la croissance, le progrès scientifique, ou encore l'emploi pourrait inspirer une réflexion beaucoup plus ambitieuse sur l'usage qui pourrait en être fait, moyennant des adaptations appropriées, dans d'autres domaines politiques où les compétences sont partagées ou lorsque l'UE n'intervient qu'en appui, en complément ou en coordination (affaires sociales, défense, éducation, etc.). Tout en prenant pleinement conscience que les principes et modalités de la gouvernance (et de la comitologie qui y est attachée) qui prévaut aujourd'hui dans ces domaines s'en trouveraient alors nécessairement modifiés.

Ainsi, le débat sur la réorientation de l'Europe gagnerait encore en pragmatisme et en résonance positive auprès des nations européennes.  

(*) Compétences partagées : l’UE et les États membres sont habilités à adopter des actes contraignants dans ces domaines. Cependant, les États membres ne peuvent exercer leur compétence que dans la mesure où l’UE n’a pas exercé ou a décidé de ne pas exercer la sienne; conformément aux dispositions du protocole sur l’exercice des compétences partagées, « En ce qui concerne l’article [I- 12, paragraphe 2] du traité sur le fonctionnement de l’Union relatif aux compétences partagées, lorsque l’Union mène une action dans un certain domaine, le champ d’application de cet exercice de compétence ne couvre que les éléments régis par l’acte de l’Union en question et ne couvre donc pas tout le domaine. »

On peut considérer que c’est la combinaison de l’application de cette dernière disposition et de l’application du principe de subsidiarité qui laisse la possibilité aux Etats-membres d’exercer leur compétence dans les domaines de la recherche et de l’innovation non couverts par la restriction inhérente à l’exercice par l’Union de sa propre compétence. Ce qu’énonce également la disposition particulière du traité selon laquelle « Dans les domaines de la recherche, du développement technologique (et de l’espace), l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions, notamment pour définir et mettre en oeuvre des programmes, sans que l’exercice de cette compétence ne puisse avoir pour effet d’empêcher les Etats membres d’exercer la leur. »    

Pour en savoir plus, voir  : Répartition des compétences au sein de l’Union européenne

Voir également les articles figurant dans celui intitulé : Rappel de quelques articles phares relatifs à l'Union économique et monétaire (UEM)   

Cet article a été publié une première fois sur ce blog en mai 2013.

Voir également :

http://ec.europa.eu/research/press/2008/pdf/com_2008_468_fr.pdf

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