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Publié par Patrice Cardot

Les « ennemis héréditaires » désormais amis ? Le processus n’allait pas de soi, dix-sept ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est pourtant d’« estime », de « confiance » et d’« amitié » que le général de Gaulle est venu parler aux Allemands, lors de ce voyage de six jours qu’il effectua en République fédérale du 4 au 9 septembre 1962. S’exprimant la plupart du temps dans la langue de Goethe, le président français fut chaleureusement acclamé par la population allemande aux quatre coins du pays. Cinquante ans plus tard, sa visite reste dans les mémoires comme l’une des étapes majeures sur le long chemin de la réconciliation franco-allemande.

À son arrivée à Bonn, sur la place du marché, devant l’Hôtel de Ville, le général de Gaulle est accueilli par une foule immense. Elle est joyeuse. Elle lui fait un triomphe. Deux mois plus tôt, le chancelier allemand, Konrad Adenauer, s’était rendu en France, scellant symboliquement avec son partenaire français la réconciliation entre les deux pays lors d’une messe en la cathédrale de Reims.

« Le grand peuple allemand »

À Bonn, de Gaulle remercie la foule pour son « accueil magnifique ». Lui, l’homme du 18 juin, le militaire qui a participé à deux guerres contre l’Allemagne, lance : « Je me sens, plus encore qu’hier, rempli d’estime et de confiance pour le grand peuple que vous êtes, oui ! pour le grand peuple allemand. Soyez sûrs que, dans toute la France, […] c’est la vague de l’amitié qui se lève et qui déferle dans les esprits et dans les cœurs. Vive Bonn ! Vive l’Allemagne ».

De Gaulle prononce son discours, appris par cœur, en allemand. Ce qu’il fera encore à cinq autres reprises (sur dix allocutions au total) au cours des jours suivants. Partout, il est acclamé. Tantôt, il s’exprime devant les ouvriers métallurgistes des usines Thyssen de Duisbourg ou les officiers de l’école militaire supérieure de Hambourg. Tantôt il parle aux habitants de Munich ou de Stuttgart. Tantôt il s’adresse à 7 000 jeunes Allemands réunis dans le parc du château de Ludwigsbourg. À tous, il tient un discours axé sur la réconciliation, l’amitié, la construction de l’avenir en commun.

L’écho de son discours de Ludwigsbourg à la jeunesse allemande (voir extrait ci-dessous) est resté dans les mémoires jusqu’à aujourd’hui. « Je vous félicite d’être de jeunes Allemands, c’est-à-dire les enfants d’un grand peuple. Oui ! d’un grand peuple ! », déclara-t-il solennellement.

Pour l’anecdote, son interprète, Hermann Kusterer, se souvient l’avoir vu trébucher sur un mot… puis reprendre le fil de son discours avec d’autres mots, illustrant ainsi sa maîtrise de la langue allemande, apprise à Saint-Cyr et perfectionnée lors de sa captivité en Allemagne durant la Première Guerre mondiale. « J’ai raté mon coup », lui confiera après coup le général. « Les gens ne s’en sont pas rendu compte », lui rétorquera l’interprète. Dix mois plus tard, l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ) voyait le jour.

La chancelière Angela Merkel et le président François Hollande commémoreront ensemble le cinquantenaire du discours de Ludwigsbourg le 22 septembre prochain. Auparavant, les ministres des Affaires étrangères français et allemand, Laurent Fabius et Guido Westerwelle, célébraient, ce mercredi, celui de l’allocution sur la place du marché de Bonn.

Vers le traité de l’Élysée

Tout comme la visite du chancelier Adenauer en France, en juillet 1962, celle du général de Gaulle en Allemagne en septembre de la même année marqua une étape importante dans l’histoire des relations bilatérales. Moins de cinq mois plus tard le 22 janvier 1963, les deux hommes se retrouvaient à Paris pour signer le traité d’amitié et de coopération. Connu sous le nom de traité de l’Élysée, celui-ci constitue, depuis cinquante ans, la base des liens uniques au monde qui unissent aujourd’hui les peuples allemand et français.

 

 

Discours du général de Gaulle devant la jeunesse allemande à Ludwigsbourg, le 9 septembre 1962 (prononcé en allemand) :

« Je vous félicite d’être de jeunes Allemands, c’est-à-dire les enfants d’un grand peuple. Oui ! d’un grand peuple ! qui parfois, au cours de son histoire, a commis de grandes fautes et causé de grands malheurs condamnables et condamnés. Mais qui, d’autre part, répandit de par le monde des vagues fécondes de pensée, de science, d’art, de philosophie, enrichit l’univers des produits innombrables de son invention, de sa technique et de son travail, déploya dans les œuvres de la paix et dans les épreuves de la guerre des trésors de courage, de discipline et d’organisation ». (extrait)

© CIDAL

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