Quelles sont les dernières solutions pour sauver l'Europe ? (LePost.fr)
Il ne reste que peu de temps à la zone euro avant d'imploser. Le Post vous détaille les ultimes leviers à actionner, sous arbitrage allemand.
Les sommets européens s'enchaînant, l'issue à la crise financière semble s'éloigner, toujours un peu plus. Des voix commencent à s'élever, dont certaines agrémentées d'un ton très dramatique. Ainsi, Jacques Attali se demande même si l'euro existera toujours à Noël...
Le temps presse et les partenaires européens doivent prendre des décisions. Elles se cristalisent autour de trois leviers incontournables : la Banque centrale européenne, la gouvernance économique et les euro-obligations. Au milieu de tout cela, un arbitre : l'Allemagne.
Le Post décrypte les derniers choix qui restent au Vieux Continent :
La BCE doit-elle racheter la dette des Etats ?
Basée à Francfort, la Banque centrale européenne (BCE) se retrouve aujourd'hui au centre de toutes les discussions concernant l'avenir de la zone euro. Doit-elle voir sa mission évoluer, ou bien rester comme telle ?
Initialement, le rôle de la BCE est de juguler l'inflation à l'intérieur de la zone monétaire. Son travail consiste à faire en sorte que la valeur de l'euro ne faiblisse pas face aux monnaies concurrentes.
L'idée que soutient la France serait de permettre à la BCE de racheter massivement les créances des Etats en difficultés, ce qu'elle n'a fait qu'à dose homéopathique en 2011 (de l'ordre de 200 milliards). Une éventualité séduisante, surtout que le FESF (Fonds européen de stabilité financière) n'est pas suffisant pour empêcher la faillite de pays comme l'Italie ou l'Espagne.
L'évolution du rôle de la BCE est particulièrement combattue par Angela Merkel et la Bundesbank, la banque nationale. Pour l'Allemagne, il n'est pas question de faire marcher la planche à billets pour renflouer les Etats, sous peine de faire grimper l'inflation évaluée à 3 % au mois d'octobre.
Nombre d'économistes se montrent favorables à une intervention plus massive de la BCE. Parmi eux, Jacques Attali, qui craint une "catastrophe" si l'Europe reste statique. Mais quid du risque inflationniste, véritable boîte de Pandore qui a traumatisé l'Allemagne dans les années 1920 ?
"En période de faible croissance, sinon de récession, l'injection de monnaie dans l'économie devrait avoir un effet favorable sur la croissance, sans qu'un effet inflationniste soit à craindre", estimaient ainsi dans Le Monde en octobre dernier André Grjebine, directeur de recherche à Sciences Po (Ceri), et Francesco Saraceno, économiste senior à l'OFCE.
A ce jour, trois pays utilisent déjà l'aide massive de leur banque centrale : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Japon. Aucun de ces trois grands pays n'a souffert d'une résurgence inflationniste due à cette politique. Londres est à 5 %, Washington à 3,5 % et Tokyo peut se féliciter d'une stabilité des prix parfaite : 0 %.
Devant une apparente absence de dialogue entre la France et l'Allemagne, la RTBF souffle que Paris et Berlin s'affrontent en coulisses dans une bataille rangée...
La condition de l'Allemagne : imposer la rigueur partout en Europe
On en arrivera là en cas de fléchissement de Berlin sur la question de la BCE. Angela Merkel a d'ores et déjà plaidé pour une réforme des traités européens en cas de nouvel effort de solidarité.
Elle propose ainsi de rendre possible la saisine de la Cour de justice européenne contre les Etats incapables de respecter le pacte de stabilité. Pour rappel, ce dernier implique un déficit public inférieur à 3 % du PIB. Il a été de 7 % en France durant l'année 2010, 4,3 % en Allemagne.
Berlin exige également un renforcement du Parlement européen, qu'elle domine par sa démographie (80 millions d'habitants), et de la Commission qui en est l'émanation directe. Cela est contesté par Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères : "Le gouvernement de la zone euro de demain ne peut pas être germano-allemand, imposé à des pays qui ne peuvent pas refuser car ils sont pris en otage par les marchés".
Le Quai d'Orsay est très attentif à une Allemagne qui défendrait froidement ses intérêts nationaux. Ainsi, Berlin est accusée de vouloir en finir avec le principe "un pays = une voix", mais aussi de vouloir pondérer le pouvoir à la BCE avec la richesse économique de chaque pays...
Les euro-obligations ont fait du chemin
Les dernières déclarations de José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, tirent dans ce sens. Réunir la dette de tous les pays en une même créance permettrait de faciliter le financement des pays en difficulté (lire ici pour en savoir plus).
Au départ, Berlin redoutait qu'avec ce principe les pays les plus mal notés soient dissuadés d'entreprendre les réformes de rigueur nécessaires. Mais Angela Merkel semble avoir changé son fusil d'épaule, car un événement imprévu s'est invité au débat.
La dernière émission d'obligations nationales n'a pas trouvé complètement preneur. Berlin n'est parvenue à placer que 3,6 milliards d'euros, contre une offre de départ de 6 milliards d'euros, soit 60 % seulement du montant qu'elle espérait. De quoi démontrer que l'Allemagne n'est pas à l'abri de la crise.
Si Angela Merkel préfère rester discrète, plusieurs médias allemands évoquent des discussions entre son parti -le CDU- et les libéraux du FDP sur des conditions liées à une éventuelle introduction d'eurobonds.
Le prochain Conseil européen réunissant les chefs d'Etat de l'Union européenne aura lieu le 9 décembre prochain. On devrait y voir un peu plus clair d'ici là.
Voir également sur ce blog :
* La Banque centrale européenne
* De la notion de 'concept stratégique" dans le domaine de la politique monétaire
* De la garantie apportée par un Etat à des obligations monétaires
* Quelques grandes orientations du Traité de Lisbonne en matière de politique économique et monétaire
* La Réserve fédérale (FED) : qu'est-ce que c'est ?
* Retour sur images : Les pays émergents vent debout contre la Fed (La Tribune - 04 novembre 2011)
* Jean-Claude Trichet : l'euro n'est "pas menacé" par la crise, mais "il faut changer le traité"
* Vers un nouveau traité européen ?
* Pour un nouveau traité d'Union économique (Maastricht II) (suite)
* Pour un nouveau traité d'union économique - Maastricht II ... en 2014 ? (suite)
* Pour un nouveau traité d’Union économique (MAASTRICHT II) - nouvelle édition -
ainsi que Eu égard à la complexité autant qu'à l'importance de bien faire comprendre aux lecteurs où se situent les leviers d'action de la politique monétaire de l'UEM par rapport à la fois à la crise des dettes souveraines et à la hausse de l'inflation, il m'a semblé nécessaire de reprendre, en les mettant davantage en perspective, les quatre conditions relatives aux institutions et les cinq éléments fondamentaux propres au concept de stratégie monétaire.
Voyons quelles sont d’abord les quatre conditions institutionnelles. (cf. La politique monétaire européenne : principes, résultats et questions actuelles, par Jean-Claude Trichet)