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Publié par ERASME

L'été est chaud pour les finances publiques françaises, des Etats européens et des Etats-Unis notamment. La solution miracle avancée par tous : la règle d'or. Soit... si les parlementaires français adoptent miraculeusement la révision constitutionnelle cet automne, l'exécutif sera tenu à compter du budget 2013 de faire adopter la loi de finances dans un cadre juridique doublement contraignant, limitation des déficits par une loi de finances pluriannuelle et un contrôle du Conseil constitutionnel. Salutaire cette solution ? Peut-être. Mais au-delà de la polémique politique sur la nécessité d'obliger constitutionnellement les représentants de la nation à valider une réduction des déficits, deux observations invitent à la réflexion.

Primo, la règle d'or de comportement budgétaire vertueux existe déjà dans nos engagements européens. Le pacte de stabilité et de croissance qui lie les Etats de la zone euro prévoit une limitation du déficit public à 3% du PIB et de la dette à 60% de la richesse nationale. D'après notre Constitution, en son article 55, les engagements internationaux sont supérieurs à la loi. Autrement dit, cet accord européen nous engage et oblige l'Etat français à ne pas s'affranchir de cette obligation comme l'impose notre loi fondamentale lorsqu'est adoptée la loi de finances. Si nos pouvoirs publics n'en tiennent que peu compte, la raison est à rechercher dans la jurisprudence constitutionnelle et l'attitude des institutions européennes exécutives. Le Conseil constitutionnel, fort de son pouvoir d'interprétation de la Constitution, refuse de sanctionner la violation de cette disposition constitutionnelle en vertu d'une jurisprudence contestable mais constante depuis 1975 et réaffirmée avec autorité dans les contentieux récents portant sur des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). De ce côté, il n'y a donc rien à attendre. Cela étant dit, le juge constitutionnel n'est certainement pas le mieux placé pour donner une leçon à nos représentants. Quand bien même le juge entendrait revirer sa doctrine, pourquoi s'y résoudrait-il alors que les institutions européennes elles-mêmes agissent avec laxisme pour enclencher les procédures de sanction à l'encontre des Etats irrespectueux de leurs obligations communautaires en matière de finances publiques. Il est vrai que "l'équilibre" des finances publiques est une question de nature politique qui conditionne l'exercice de la souveraineté d'un Etat et les gouvernements rejettent l'intrusion de tiers dans la gestion de leurs finances.

Secundo, la véritable question que pose l'inscription d'une règle d'or dans la Constitution précisée par une loi organique est celle de la capacité – pour ne pas dire le courage - des responsables politiques à prendre leurs responsabilités devant le peuple. L'exécutif et le Parlement ne peuvent-ils pas assainir les finances publiques en dehors de toute contrainte juridique ? Il n'est pas besoin d'une modification de la Constitution ni même d'une loi organique ou d'une loi de finances pluriannuelle de réduction des déficits pour acter dans les lois de finances une volonté politique de limitation des dépenses publiques et de désendettement progressif. C'est avant tout une question de volonté politique, de responsabilité politique et non de droit.

La barrière de papier que constitue le pacte de stabilité et de croissance en est une illustration magistrale. La norme constitutionnelle ne saurait et ne doit servir de faire-valoir aux efforts budgétaires sur lesquels la plupart des dirigeants de la majorité comme de l'opposition s'accordent. La norme constitutionnelle n'a pas pour fonction d'excuser à l'avance les décisions douloureuses pour les citoyens dans leur ensemble sauf s'ils en décident autrement, mais directement par référendum. Dans cette hypothèse, ouverte par la Constitution en son article 89, l'appréciation est nécessairement différente. Il leur revient et à eux-seuls, et non à leurs représentants exerçant le pouvoir constituant, de lier leurs futurs choix politiques au respect d'exigences financières de nature constitutionnelle. C'est une décision qui relève de leur seule responsabilité car une telle option engage leur vie au quotidien. La consultation directe des citoyens n'est pas juridiquement requise ; elle s'impose politiquement. Hors cette hypothèse, il revient aux responsables politiques nationaux d'assumer devant le peuple l'austérité budgétaire qui s'annonce inévitable sans se défausser sur la Constitution et la norme en général.

 

Pascal Jan est professeur de droit public à l'IEP de Bordeaux

 

Voir également sur ce blog :

 * Retour sur les 'règles nationales budgétaires' adoptées le 11 mars 2011 par les chefs d'Etat ou de gouvernement de la zone Euro

 * Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (vie-publique.fr)

 * Pour un Pacte international permettant de limiter les risques systémiques associés à l'inflation et à la prolifération des dettes souveraines

 *  Vouloir dévaluer l'euro par rapport au seul dollar est une ineptie !

 * Jacques Attali : "Les Etats se comportent comme Bernard Madoff" (Le Monde)

 * Comment la politique peut-elle retrouver des marges de manoeuvre par rapport à la globalisation ? - nouvelle édition -

 * L'accord conclu aux USA ne résoudra rien ! Des décisions politiques d'un tout autre ordre s'imposent !

 * Quelle crédibilité accorder à l'accord conclu par les Chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro le 21 juillet à Bruxelles ?

 * Cessons de faire porter le fardeau aux agences de notation, par Carol Sirou (Le Figaro)

 * Connaissez-vous Dagong Global Crédit Rating, l'agence de notation chinoise

 * La France et le Royaume-Uni sous l'oeil critique de l'agence de notation chinoise

 * La crise de la dette souveraine dans la zone euro ne condamne-t-elle pas le modèle social du sud de l'Europe ?

 * "Nous vivons une crise non pas de la zone euro mais de l'endettement public", par Herman Van Rompuy, président du Conseil européen (Le Monde)

 * Recréons les bases d'une confiance salvatrice dans nos sociétés








 



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