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Publié par ERASME

BHL pointe un doigt accusateur contre le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar, qualifié de raciste, l'invective ne renvoyant pas au Président mais à sa plume Henri Guaino. Quelques spécialistes se prononcent.
Depuis son élocution, le 26 juillet dernier, le discours africain de Nicolas Sarkozy n’en finit pas d’alimenter les polémiques. Très mal reçu par son auditoire, il a immédiatement donné lieu à des critiques sévères dans la presse sénégalaise, avant d’être attaqué par six écrivains africains dans Libération. Mais au cœur de l’été et de l’état de grâce, en France, après l’impact, les secousses n’ont pas fait trembler la bonne image présidentielle. D'autant que certains leaders africains, comme le Président de l'Afrique du sud, ont applaudi le Président français.
Bernard-Henri Lévy a ravivé le débat sur France Inter il y a quelques jours, en traitant Henri Guaino, auteur présumé du discours, de « raciste ». La plume de Nicolas Sarkozy, qui a clairement revendique sa contribtuion au discours, a répliqué sans se départir de sa verve, que BHL était « un petit con prétentieux ». Deux hommes de lettres et de pouvoir, médiatiques de surcroît, qui s’envoient des noms d’oiseaux comme à la cour de récré, ça fait toujours rigoler. Mais après un échange aussi haut en couleur que ras des pâquerettes, on perd un peu le fil. Le discours de Dakar est-il vraiment raciste ? Mérite-t-il qu’on s’indigne ? Et que dit-il, au fond, des rapports de la France à son Histoire et au grand continent ?
L'homme africain au centre de la polémique
En dehors de Malek Boutih qui ne souhaite pas le lire… les militants antiracistes et les associations communautaires sont très prompts à marquer leur accord avec BHL, ce qui est très nouveau dans cet univers. Cible de toutes les indignations : le petit paragraphe litigieux du discours prononcé par Nicolas Sarkozy sur l’ « homme africain » qui ne serait « pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. » Pour Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), si « le racisme, c’est imputer des comportements normés à un groupe d’individus », alors « c’est ce que fait Nicolas Sarkozy dans son discours. » Une lecture partagée par Mouloud Aounit, président du Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (Mrap) pour qui « ce discours est un hymne à la gloire des forfaits du colonialisme qui rassemble l’ensemble des clichés racistes qui introduisent « l’homme noir » comme un sous-homme. ».
Pourtant, à le lire dans son ensemble, l’argument s’érode. Avant ce paragraphe très malheureux, de nombreuses formules condamnent la colonisation et la traite négrière « crimes contre l’humanité toute entière ». Par quatre fois, l’orateur répète que « la colonisation fut une grande faute ». Et lorsqu’il évoque « l’homme noir », il introduit une formule littéraire plutôt qu’il ne stigmatise la couleur de peau des habitants subsahariens. Ce discours provoque en réalité un malaise plus profond, qui dépasse peut-être le simple débat de savoir s’il est proprement « raciste ».
Un discours daté
Pour Pascal Blanchard, chercheur au CNRS et spécialiste de la colonisation, « Ce discours est plus colonialiste que raciste.» Un discours prenant à la fois acte des erreurs passées mais sur un ton finalement assez paternaliste… un discours, surtout, aux références datées. Jean-François Probst, légende de la chiraquie qui a connu l’ère Foccart, du temps du conseilleur de de Gaulle aux Affaires africaines et malgaches, se moque : « Guaino a peut-être voulu faire du Jaurès, mais il a fait du Desroulèdes ». A l’écouter, le discours pèche finalement plus par ignorance que par idéologie.
Son analyse rejoint ainsi celle d’un journaliste spécialisé, Antoine Glaser, directeur deLa Lettre du continent,, qui est frappé par l’ « anachronisme » de cette allocution : « Tous ces débats sur la repentance ou le racisme nous parlent d’un autre temps. Aujourd’hui, que ce soit la Chine, à la recherche de nouveaux marchés et de matières premières, les Etat-Unis pour le pétrole, Dubaï, les pays du Golf, le Brésil ou même l’Allemagne, tout le monde se tourne vers l’Afrique. Avec Chirac, la France a voulu se faire croire qu’elle pouvait garder sous cloche le pré-carré françafricain. Mais les caisses sont vides, ces relations sont caduques. L’Afrique évolue sans la France, pas seulement dans l’Histoire mais dans l’économie mondialisée. » Reste à savoir comment la France de Sarkozy compte s’y prendre pour raccrocher les wagons plus concrètement qu’en s’enferrant, sur un ton moralisateur, dans des querelles idéologiques dépassées. Et ça, BHL et Guaino n’en disent rien. C’est dommage. Car à écumer les références qui vont de Desroulèdes à Maurras en passant par Houphouët Boigny et Foccard, la France qui polémique autour de Dakar semble tellement obnubilée par sa propre Histoire qu’on en vient à craindre qu’elle ne devienne une puissance du passé.

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