Retour sur le plan conditionnel de rachat de dette publique par la BCE
Le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi a levé une partie du voile, jeudi 6 septembre, sur les modalités du plan de rachat de titres souverains de pays de l'Eurozone qui éprouvent des difficultés à se refinancer sur les marchés. Il a insisté lourdement sur le caractère conditionnel de cette opération baptisée 'Outright monetary transactions' (OMT), tout Etat membre devant au préalable se soumettre à un programme d'ajustement économique en échange d'une activation en parallèle des fonds européens de sauvetage (FESF ou MES) - condition qui pourrait connaôtre, dit-on certains assouplissements dans certains cas de figure ! -.
Ce plan a été approuvé à l'unanimité moins la Bundesbank hostile à ce qu'lle considère comme une monétisation de la dette publique, interdite par les traités européens. A noter que la BCE a décidé de maintenir inchangés ses principaux taux directeurs.
" Comme annoncé le 2 août 2012, le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé aujourd'hui d'un certain nombre de modalités techniques relatives aux transactions monétaires directes de l'Eurosustème sur les marchés secondaires de titres souverains avec pour objectif de garantir une transition appropriée de la politique monétaire et le caractère unique de la politique monétaire ", a déclaré M. Draghi à l'issue de la réunion de la BCE qui s'est déroulée en présence du Commissaire chargé de l'euro O. Rehn et du président de l'Eurogroupe J-C. Junker.
Une telle opération vise à " affronter les distorsions sévères observées sur les marchés de dette souveraine qui tirent leur origine en particulier de peurs infondées de la part d'investisseurs sur le caractère réversible de l'euro ", a-t-il considéré. En ajoutant qu'elle est " strictement " en phase avec notre mandat puisque nous n'intervenons que sur les marchés secondaires et nos statuts prévoient le rachat de dette souveraine comme un instrument potentiel de la politique monétaire.
'Outright monetary transactions' (OMT)
"Sans condition assortie à notre action, nous perdrions notre indépendance ", a souligné Mario Draghi. Pressés de poursuivre la consolidation budgétaire et les réformes structurelles, les Etats membres devront prendre leur responsabilité en participant et en contrôlant, par le biais des fonds FESF/MES, l'aide octroyée à un pays en difficulté. Une condition " nécessaire " au lancement des opérations 'OMT' concerne donc l'obligation préalable pour un pays qui en bénéficierait d'appliquer un programme d'austérité. Il s'agirait de programmes complets d'ajustement macroéconomique ou de programmes préventifs en cas simplement d'ouverture de lignes de crédit, pourvu que ces programmes prévoient l'activation des fonds FES/MES sur les marchés primaires de dette. Les pays déjà sous programme, comme l'Irlan,de ou le Portugal, pourront aussi être épaulés par ces mesures non conventionnelles au moment d'amorcer leur retour sur les marchés financiers. la participation du FMI aux programmes mentionnés serait souhaitable.
La BCE ne se fixe aucune limite en termes de montants financiers. Elle mettra un terme à ces opérations 'OMT' lorsque l'objectif recherché sera atteint ou si le pays sous programme ne respecte pas ses engagements. Concrètement, l'Institut de Francfort procédera à des achats de titres souverains inférieurs à trois ans, une maturité jugés en ligne avec d'autres instruments tels que les deux opérations 'LTRO' de fourniture de liquidités aux banques lancées fin 2011 et au printemps 2012. Les montants qui seront dépensés pour le rachat de dette publique seront 'stérilisés', c'est-à-dire que des sommes équivalentes seraient retiréees du marché malgré l'impact négatif d'une telle ponction sur les marchés du crédit et in fine sur l'économie. En outre, la transparence des opérations 'OMT' sera accrue : la BCE dévoilera, chaque semaine, la valeur des titres détenus et, chaque mois, la durée moyenne des tites détenus et leur ventilation par pays.
'No seniority'.
La BCE fait savoir qu'elle n'a fixé aucun moment déclencheur des opérations. Selon M. Draghi, les indicateurs qui entrent en ligne de compte sont variés : les différentiels de taux d'intérêt appliqués à un titre souverain et au titre allemand qui sert de référence, les niveaux des 'CDS souverains', les conditions de liquidité et la volatilité sur les marchés. Surtout, l'institution européenne renonce à son statut de créancier privilégié ('senior bond holder') qui lui assure généralement un remboursement prioritaire en cas de défaut d'un emprunteur. Cette mesure est de nature à rassurer les investisseurs privés, les bourses saluant déjà les annonces de la BCE. La BCE reste en revanche 'senior' sur les titres encore détenus dans le cadre du précédent programme 'SMP' de rachat de dettes souveraines à travers lequel elle avait racheté 220 milliards d'euros de titres depuis 2010.
Comment croire que les opérations 'OMT' atteindront leur objectif ? l'ancien vice-président pour l'Europe de Goldman Sachs a noté des différences significatives entre les nouvelles mesures et le précédent programme 'SMP' : la conditionnalité (programme d'ajustement à appliquer), l'appropriation de l'aide par les créanciers institutionnels, la plus grande transparence appliquée aux opérations, la maturité des titres rachetés et la perte du statut de créancier privilégié par la BCE.
La BCE a, par ailleurs, revu à la baisse ses prévisions de croissance économique pour l'Eurozone. En 2012, la zone euro devrait être en récession (baisse du PIB située entre 0,6 % et 0,2 %) et péniblement renouer avec la croissance l'année suivante dans une fourchette située entre - 0,4 % et 1,4 %. Quant à l'inflation, elle se situerait entre 2,4 % et 2,6 % en 2012, et entre 1,3 % et 2,5 % en 2013.
Source : Agence Europe
Voir également :
* Herman Van Rompuy expose son plan d'avenir pour l'Europe
* A tale of three trilemmas, by Dominique Strauss-Kahn (Cambridge Union Society (UK) – March 9, 2012)