Retour sur le semestre européen : objectifs, atouts, questions en suspend
Ce qui est improprement appelé 'la crise de l’Euro' est lié aux divergences entre pays européens concernant leurs politiques économiques et leurs politiques budgétaires. D’où la nécessité de mettre en place un gouvernement économique de la zone Euro et plus largement de l’ensemble de l’Union.
Le mécanisme qui s'y rattache a pris le nom de «semestre européen».
Le principe en sera que, avant que les Etats consacrent 6 mois à préparer et voter leur budget, les 6 mois qui précèdent seront consacrés à un travail collectif des Européens sur leurs politiques économiques et budgétaires.
Le semestre européen aura ainsi trois composantes.
La première concerne les réformes de structure. La stratégie économique de l’Union européenne jusqu’à 2020, baptisée EU 2020, a défini des objectifs pour une croissance « intelligente, durable et inclusive » : innovation, lutte contre l’exclusion, croissance verte, technologies numériques. Chaque pays devra présenter les réformes structurelles qu’il prévoit pour mettre en œuvre ces objectifs.
Le deuxième volet concerne la surveillance des déséquilibres économiques. Pour cela a été défini un « Pacte pour l’Euro plus » qui vise à faire converger les économies sur la compétitive des entreprises, les hausses de salaire, le financement des retraites, la fiscalité, l’endettement des Etats.
Le troisième volet consiste à surveiller les budgets dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance : notamment ne pas faire plus de 3% de déficit et ne pas s’endetter au-delà de 60% du PIB. Les règles de ce pacte ont été renforcées.
Pendant le Semestre européen, la Commission surveille simultanément les politiques économiques et budgétaires des États membres, conformément à des règles communes, pendant une période de six mois chaque année. Les États membres présentent des programmes nationaux de réforme et des programmes de stabilité ou de convergence chaque année en avril4.
Les programmes nationaux de réforme comprennent un scénario macroéconomique à moyen terme, des objectifs nationaux destinés à mettre en oeuvre la stratégie Europe 2020 pour l'emploi et la croissance, un relevé des principaux obstacles à la croissance et des mesures visant à lancer rapidement des initiatives destinées à renforcer la croissance.
Les programmes de stabilité ou de convergence définissent les objectifs budgétaires à moyen terme de chaque État membre, les principales hypothèses concernant l'évolution prévisible de l'économie, une description des mesures budgétaires et des autres mesures de politique économique et une analyse de l'incidence que tout changement des hypothèses aura sur la situation budgétaire et la dette.
Tout ceci constitue un progrès de l’intégration européenne : les pays surveillent désormais collectivement la mise en œuvre de leurs objectifs communs à travers leurs budgets. Mais le système présente des défauts.
Le premier en est la complexité : la stratégie Europe 2020 s’applique à tous, comme le Pacte de stabilité et de croissance, mais le pacte budgétaire (TSCG) ne s’applique qu’aux pays de la zone Euro comme le mécanisme européen de stabilité (*)
Quant au «Pacte pour l’Euro plus», il s’applique aux pays de la zone Euro et aux pays non membres de la zone Euro, volontaires pour l’appliquer.
Le semestre européen est mis en œuvre par la Commission, mais le «pacte de compétitivité» ne relève que de la coordination entre les Etats.
Guy Verhofstadt, président des libéraux - ADLE - au Parlement européen demande l’unification du dispositif en une seule politique communautaire.
Le deuxième problème est la légitimité démocratique des institutions qui mettent en œuvre ce gouvernement économique. L’Union européenne, en effet, par ce processus, bride - juridiquement- la liberté des parlements nationaux de voter leur budget. Wolfgang Schäuble, ministre des finances allemand propose de légitimer la démarche européenne par l’implication du Parlement européen. Il devrait voter l’aval donné par l’Union aux budgets des pays membres ou des pays de la zone Euro.
Le troisième problème est l’impact des politiques économiques et budgétaires sur les dépenses publiques, y compris sociales, sur la protection sociale, les contrats de travail, les hausses de salaires. Toutes choses qui justifieraient la consultation des partenaires sociaux, actuellement non prévue.
Enfin une interrogation de fond est soulevée par les propositions du Conseil et de la Commission européenne. Sous l’influence de l’Allemagne, première puissance économique européenne, la stabilité est privilégiée aux dépens de la croissance. Nombreux sont ceux, et au premier rang les syndicats, à demander une inversion de ces priorités.
La Commission européenne a présenté le 20 mars 2013 deux nouvelles communications exposant les prochaines étapes du projet de réalisation d’une union économique et monétaire (UEM) véritable et approfondie. Leur objectif est de renforcer la coordination des politiques économiques et l’intégration économique dans la zone euro. Ces communications concrétisent les engagements pris en novembre 2012 par la Commission dans son projet d’union économique et monétaire véritable et approfondie et répondent à l’appel du Conseil européen, qui l’a invitée à travailler sur ces deux fronts.
La communication relative à une coordination préalable des projets de grandes réformes des politiques économiques présente des options pour l’organisation de concertations à l’échelon européen avant toute décision prise au plan national concernant de grandes réformes économiques. Il s’agit de faire en sorte que les retombées éventuelles de ces réformes sur d’autres pays de la zone euro, positives ou négatives, soient bien prises en compte à un stade précoce dans le processus de décision.
La communication relative à l’instrument de convergence et de compétitivité (ICC) présente quant à elle les options possibles pour deux instruments: elle envisage, d’une part, la conclusion d’arrangements contractuels par lesquels les États membres s’engageront à entreprendre certaines réformes et prévoit, d’autre part, un soutien financier pour les aider à les mettre en oeuvre. Ces deux instruments viennent compléter l’architecture déjà existante pour la surveillance des politiques économiques et budgétaires au niveau de l’Union, déjà renforcées par l’instauration du semestre européen et les réformes dites du six-pack et du two-pack. (voir également à ce sujet Retour sur les règles du Two-Pack complétant le Pacte de stabilité )
La Commission présente ces communications quatre mois à peine après la publication du projet, enclenchant ainsi une dynamique de réforme étape par étape qui renforcera l’union économique et monétaire et permettra de mieux contenir les crises futures. Les propositions sont dans le droit fil de la stratégie économique de la Commission, laquelle s’efforce de conjuguer un assainissement budgétaire intelligent avec des réformes favorables à la croissance de nature à relancer la création d’emplois en Europe.
Coordination précoce : Les réformes, ou leur absence, peuvent avoir des retombées significatives sur d’autres États membres, en particulier dans la zone euro. Des réformes bien conçues des marchés du travail ou des biens peuvent, par exemple, stimuler la croissance et l’emploi dans les États membres concernés et contribuer ainsi à accroître la demande de biens et services dans d’autres États membres. En revanche, l’absence de telles réformes peut exposer un État membre à des chocs économiques externes, lesquels peuvent avoir des répercussions sur d’autres États membres, comme cela s’est produit pendant la crise. En vue de maximiser les retombées positives et de minimiser les effets négatifs, la Commission envisage de proposer que les réformes qui seront coordonnées portent sur la compétitivité, l’emploi, le fonctionnement des marchés de biens et services, les industries de réseau, les systèmes fiscaux, la stabilité financière et la viabilité budgétaire. La discussion sur ces réformes sera fermement ancrée dans le processus du semestre européen.
Discipline et solidarité : L’instrument de convergence et de compétitivité pour la zone euro prévoirait des arrangements
contractuels précisant les mesures clés qu'un État membre s'engagerait à mettre en oeuvre conformément dans un certain délai. Ces mesures
seraient conçues pour mettre en oeuvre les recommandations spécifiques par pays émises dans le contexte du semestre européen, notamment celles résultant de la procédure concernant les déséquilibres
macroéconomiques; Il n’est pas exclu qu’un instrument financier soit créé en complément de ces réformes, en principe dans le cadre du
budget de l’Union, mais en dehors des plafonds fixés par le CFP, en vue de promouvoir et de soutenir les réformes dans le cas d’un État membre en difficulté. La mise en oeuvre en temps voulu de réformes structurelles ambitieuses permettra de s’attaquer efficacement aux faiblesses majeures del’économie,
en particulier dans les domaines liés à la compétitivité.
Tout cela soutiendra un processus de rééquilibrage, d’ajustement et de croissance au sein des économies de la zone euro et constituera un premier pas vers une capacité budgétaire renforcée –
laquelle suppose que les politiques économiques soient plus étroitement intégrées.
Pour les États membres qui ne font pas partie de la zone euro, en particulier ceux d’entre eux qui se préparent actuellement à adopter l’euro, la Commission examinera les modalités selon
lesquelles ils pourraient eux aussi conclure un arrangement contractuel.
PS : Cet article reprend et complète les éléments de l'article du site nouvellesdeurope.com consacré à ce sujet : http://www.nouvellesdeurope.com/article-le-semestre-europeen-un-gouvernement-economique-de-l-europe-70823585.html
Voir également :
* Rappel de quelques articles phares relatifs à l'Union économique et monétaire (UEM)
(*) Comment fonctionne le mécanisme européen de stabilité ?
Les besoins de financement de toute la zone euro jusqu'en 2013 s'élèvent à 4000 milliards d'euros. A titre comparatif, pour les quatre prochaines années, l'Irlande aura besoin de 100 milliards d'euros, comme le Portugal, et l'Espagne de 600 milliards. Quant à la France, elle aura besoin de 850 milliards, somme la plus importante de toute la zone euro. Mais contrairement à ses partenaires en difficultés, la France n'a pour l'instant aucun mal à se financer sur les marchés.
Si on appelle le dispositif "mécanisme" et non directement "fonds", c'est qu'il ne se présente pas sous la forme d'une somme
d'argent déposée sur un compte, prête à être utilisée. Il s'agit de la possibilité donnée soit à l'Union européenne (au travers de la Commission) soit à une "entité" (placée sous le contrôle des
Etats membres de la zone euro) de lever des fonds sur les marchés, qui seront garantis respectivement par le budget européen et par les budgets desdits Etats, à hauteur des sommes indiquées sur
le schéma.
Ces garanties sont très importantes et se chiffrent en centaines de milliards d'euros. Elles sont aussi très fiables puisqu'il
est excessivement peu probable que tous les Etats fassent faillite en même temps. Grâce à elles, les "entités" créées dans le cadre du mécanisme sont très bien notées sur les marchés, ce qui leur
permet d'y emprunter de l'argent à bas taux, argent qu'elles peuvent prêter en retour aux Etats de la zone euro en difficultés.
|
Fonds d'assistance financière |
Fonds européen de stabilité financière |
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Forme |
Géré par la Commission européenne |
S.A. basée au Luxembourg, gérée par une équipe de 12 personnes |
Montant maximum |
90 milliards d'€ |
660 milliards d'€ |
Contributeurs |
FMI (30 mds), budget communautaire (60 mds) |
FMI (220 mds), budgets nationaux au pro-rata du PIB (440 mds au total) |
Bénéficiaires potentiels |
L'ensemble des Etats de l'UE |
Seuls les Etats de la zone euro |
Provenance des fonds |
Argent levé sur les marchés ou auprès d'institutions financières, garanti par le budget communautaire |
Argent levé sur les marchés ou auprès d'institutions financières, garanti par les budgets nationaux |
Destination des fonds |
Prêts (ou lignes de crédits ou achat de titres de dette) |
Prêts (ou lignes de crédits ou achat de titres de dette) |
Condition d'activation |
Disponible sans délai |
Disponible après accord gouvernemental |
Nature de l'aide |
Conditionnelle |
Conditionnelle |
A noter qu'il existe deux autres mécanismes existant sur un modèle similaire :
* L'un destiné aux pays n'appartenant pas à la zone euro, qui avait été mis en place au début de la crise, du temps où l'euro
protégeait les pays l'utilisant. On l'appelle "mécanisme de soutien à la balance des paiements". Il est doté de 50 milliards d'euros et a servi à aider la Lettonie, la Hongrie et la
Roumanie.
* L'autre qui correspond à l'aide qui a été donnée à la Grèce, pour un total de 110 milliards d'euros (30 du FMI et 80 des
autres Etats). En effet, le mécanisme de stabilisation n'existait pas encore à cette époque là.