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Publié par ERASME

La crise politique que traverse aujourd'hui la France, et celle, d'une tout autre nature, que traverse simultanément l'Union européenne, nous interrogent sur la conception de la souveraineté que les citoyens, français ou européens, souhaiteraient partager par le jeu d'un Contrat social et politique renové.

Devant les dérives verbales - et comportementales - d'une grande partie des représentants démocratiques qui marquent aujourd'hui le débat 'républicain' quotidien, et devant l'émergence soudaine de la notion de 'souveraineté européenne' (dont force est de déplorer qu'elle ne trouve aucune place dans le traité de Lisbonne !) nombre de citoyens français s'interrogent sur l'intérêt que pourrait revêtir, sur le plan démocratique, la suspension du caractère quasi exclusif de l'exercice de cette souveraineté par leurs représentants !

Souveraineté européenne, Souveraineté nationale et Constitution de la Vème République

La souveraineté se définit, en droit, comme la détention de l’autorité suprême, c’est-à-dire d’un pouvoir absolu (dont tous dépendent) et inconditionné (qui ne dépend de qui que ce soit). Dans les régimes despotiques, la souveraineté est le plus souvent détenue par un seul homme. Dans les démocraties, elle est détenue par le peuple, constitué en un corps politique, la Nation : on parle dès lors de souveraineté nationale.

En France, conformément à l'article 3 de la Constitution de la Vème République française, "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. ...". 

L’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 l’énonce clairement : "Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément". Dans ce cadre, la souveraineté est détenue par un être collectif et indivisible, distinct des individus qui la composent.

Mais les contraintes de l’exercice du pouvoir impliquent que cette souveraineté soit déléguée : le peuple, bien que constitué en corps politique, ne peut en effet délibérer directement sur les affaires publiques. Cette mission est donc confiée à des représentants élus, dont les décisions constituent l’expression de la volonté générale. Sur ce point l’article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que "la loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs Représentants à sa formation. (...)"

Lors de son discours devant le Parlement européen sur l'Etat de l'Union européenne en 2018, le président en exercice de la Commission européenne a tenu à évoquer le thème de la souveraineté européenne, concept dont il est utile de rappeler qu'il ne figure ni dans le traité de Lisbonne, ni dans les protocoles et déclarations y associés, comme quelques autres concepts qui y sont peu ou prou attachés (frontières extérieures, indépendance, autonomie stratégique, acteur global ...). Voici quelques-uns de ses propos :

« […] La géopolitique nous apprend que l'heure de la souveraineté européenne a définitivement sonné. […] L'Europe doit devenir davantage un acteur souverain dans les relations internationales. La souveraineté européenne provient de la souveraineté nationale de nos États membres. Elle ne remplace pas ce qui est propre aux nations. Partager nos souverainetés – là où il le faut – rend chacun de nos états-nations plus fort. […] »

Une souveraineté européenne affichée comme souhaitée dans le discours mais toujours introuvable …. Une souveraineté européenne qui proviendrait de la souveraineté de ses Etats membres .. alors même que personne ne peut dire clairement où se trouve la souveraineté, dans un imbroglio permanent entre Etats membres et Union.

Pour la Cour constitutionnelle allemande, la Constitution nationale est supérieure au droit européen ; tandis que la Cour européenne de justice affirme exactement l’inverse. (cf. Comment la justice allemande vient de dynamiter l’Union Européenne et ses faux-semblantsRachat de dettes : la Cour constitutionnelle allemande donne trois mois à la Banque centrale européenne pour se justifier ; COUR CONSTITUTIONNELLE DE KARLSRUHE : DEUTSCHLAND ÜBER ALLES ?BCE : la Commission européenne menace l'Allemagne d'une procédure en justice)

Les Etats membres semblent souverains en droit, mais d’une souveraineté de dernier recours qui ne semble pouvoir s’exercer qu’au prix exorbitant d’une crise constitutionnelle ouverte, sinon d’une sortie de l’UE.

Alors que certains Etats ont préalablement consulté leur Cour constitutionnelle pour apprécier la compatibilité du Traité de Lisbonne avec leur propre Constitution ou Loi fondamentale, il n'en a pas été véritablement de même en France.

Les questions soumises au Conseil constitutionnel à son égard n'ont pas véritablement porté sur le fond du Traité. L’heure est à la clarification démocratique.

Dans un tel contexte, la France, pays fondateur de l’Union européenne, se doit d’apporter des éléments de clarification de nature constitutionnelle permettant de sortir de cette ambiguïté non constructive autour de la conception que nous avons de la souveraineté nationale (voire même de la souveraineté européenne), puisqu’elle induit des réactions réfractaires de plus en plus marqués et nombreux aux différents partages, délégations et transferts de souveraineté qui résultent des traités européens.

Les innovations institutionnelles et juridiques majeures qu’ont apportées les principes d’attribution par les Etats membres à l’Union, d’une part, et de répartition des compétences entre ces mêmes Etats membres et l’Union, doivent trouver dans la Constitution de la France une traduction juridique appropriée, qui favorise l’émergence d’une nouvelle conception de la souveraineté nationale dans le contexte de l’Union.

Ouvrons le débat ! 

Voir également :

* Souveraineté

Souveraineté nationale

De la souveraineté nationale en vertu des dispositions de la Constitution de la République française

L'Etat constitutionnel menacé

Les traités internationaux et la Constitution de la Vème République

L’identité de l’État dans l’Union européenne : entre « identité nationale » et « identité constitutionnelle »

L’identité de l’État dans l’Union européenne : entre « identité nationale » et « identité constitutionnelle », par Sébastien Martin (cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel)
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