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Publié par ERASME

" Si les manquements éthiques des membres de la classe politique portent lourdement à conséquence sur la participation citoyenne, il en est aussi de même en ce qui concerne les dérapages déontologiques des membres du pouvoir médiatique. Il ne fait plus aucun doute que la déformation des faits, les raccourcis simplistes et sensationnalistes d’un trop grand nombre de journalistes et de commentateurs autant que les interprétations souvent sarcastiques ou tendancieuses et même parfois outrancières sinon carrément vulgaires contribuent largement à alimenter le cynisme ambiant face à la politique et à ses acteurs, tout en nourrissant la nouvelle culture de la politique spectacle et de l’information spectacle.
Le journaliste américain Walter Lippmann en arrivait au même constat déjà en 1921 quand il déclarait que « la crise actuelle de la démocratie occidentale est une crise du journalisme ». Qui peut d’ailleurs nier aujourd’hui que les médias sont organisés d’abord comme des objets de consommation plutôt que comme des instruments d’animation des débats démocratiques ? Qui peut nier que, plus souvent qu’autrement, les médias divertissent plus qu’ils n’informent ?(…)
Je fais simplement miens les constats courageux de quelques journalistes émérites qui depuis un bon moment déjà appellent leurs collègues à un sursaut de conscience morale et dénoncent ce que l’éditorialiste en chef du quotidien La Presse, André Pratte, a osé nommer la « culture de vautour » dans laquelle baignent les médias et leurs artisans. Selon ce dernier, « le journaliste d’aujourd’hui tombe trop souvent dans le filet sans risque du spectacle de l’insignifiance et lui sacrifie sa véritable mission, l’information et l’éducation. […] Le nombre et la puissance technologique des médias d’aujourd’hui font que, par la force des choses, tout ce dont ils s’emparent est grossi hors de proportion : les faits, les opinions, les erreurs, les responsabilités. Nous fabriquons des héros et les détruisons aussi vite. Nous trouvons des coupables et les lynchons sans attendre. En somme, nous stimulons puis agissons selon les passions populaires. […] Le ton strident des commentateurs déteint sur tous les pouvoirs publics. […] Le cynisme et l’intolérance qui rongent l’esprit populaire aujourd’hui sont-ils étrangers au déluge de critiques dont les médias emplissent pages et ondes ? […] Nous, les journalistes, déplorons fréquemment l’emprise de la langue de bois sur le discours politique. Nous nous arrêtons rarement au fait que les médias ont puissamment contribué à cette triste évolution. "
Jean-Pierre Charbonneau, journaliste et homme politique canadien.
Extrait de « De la démocratie sans le peuple à la démocratie avec le peuple », Éthique publique [En ligne], vol. 7, n° 1 | 2005.
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