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Publié par ERASME

Comment problématiser le rôle de la musique classique occidentale dans l’histoire des relations internationales ? Ce champ de réflexion est plutôt nouveau et les balbutiements d’une historiographie importante commencent tout juste à voir le jour. Les premières tentatives ont été caractérisées par le mariage, plutôt maladroit, de l’histoire et de la musicologie.
Plusieurs catégories d’analyse pourraient être proposées pour mieux cerner l’éventail du rôle de la musique classique dans les relations internationales. D’abord, la musique comme propagande, surtout en tant que vecteur de nationalisme ou de rassemblement. Pour citer un exemple, Didier Francfort a bien montré comment la musique folklorique – qui a servi de matière première à plusieurs grands compositeurs européens – a joué un rôle dans les revendications nationalistes dans les Balkans au xixe siècle. Puis, la musique classique pourrait être une source d’échanges diplomatiques, soit pour confirmer une amitié, soit pour pénétrer les mentalités collectives d’une société visée. Ensuite, l’acculturation et l’immigration peuvent être les mécanismes par lesquels la musique classique devient universelle et ainsi un bien commun entre peuples, surtout dans un monde « mondialisé ». Le phénomène d’acculturation fonctionne dans les deux sens. Les ventes de disques de musique classique ainsi que les retransmissions de concerts classiques en Orient sont très répandues, surtout dans les régions qui veulent s’associer à la tradition culturelle occidentale. Par ailleurs, les musiciens venant d’Orient gagnent en Occident des concours de musique classique, et ce déjà depuis un certain temps, et ils relèvent considérablement le niveau technique d’une musique qui n’est pas censée être la leur. La musique classique circule aussi par l’immigration. Ceux qui immigrent apportent leur propre tradition musicale loin de leur terre de naissance. De plus, pour les immigrés, la pratique de la musique classique est souvent recherchée comme signe d’appartenance à une élite, surtout dans les moments de difficultés matérielles.
Cette universalité est soutenue par le fait que la musique classique instrumentale est dépourvue de texte précis. De la sorte, la « signification » de telle ou telle œuvre est forcément subjective, liée à la psychologie personnelle de celui qui la reçoit. Les émotions soulevées lors de l’écoute d’un concert ou d’un disque dépendent d’une collection de souvenirs, d’un sentiment d’appartenance à un corpus musical et d’un attachement aux pratiques musicales d’une certaine partie d’une société donnée.
Puisque cette signification est personnelle et changeante, il était essentiel pour mes réflexions de tenir compte du fait que la musique et le message de la musique ne font pas partie du même système. Deux exemples de cette dualité seraient, d’abord la diverse utilisation de la Neuvième symphonie de Ludwig van Beethoven (1770-1827) depuis sa création (bien en dehors de la conception de Beethoven, et ensuite l’œuvre entière de Richard Wagner (1813-1883), compositeur de génie et antisémite acharné - sans qu’on puisse trouver de traces précises de son antisémitisme dans sa musique.
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