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Publié par Patrice Cardot

Au-delà des quelques initiatives récentes des mois de juin et juillet dont a rendu compte Regards-citoyens, force est de constater - et de déplorer - que l'embrouillamini qui affecte la mise en place des structures et du cadre de travail de l'UpM pèse sur la dynamique euroméditerranéenne, quelqu'en soit le vecteur.

 

Pour autant, en dépit de quelques appels, plus ou moins directs, à en revoir l'architecture (venant du Maroc, notamment), la nouvelle " organisation régionale " euroméditerranéenne serait pleinement sur les rails, même si chacun des pays participants paraît lui donner un contenu et une finalité différents.

Les lignes de partage ne sont pas nettes et elles traversent aussi bien le côté européen qu'arabe comme l'ensemble des pays tiers méditerranéens (la Turquie notamment, qui est à la fois soucieuse de ne favoriser aucune option qui puisse faire de l'UpM une alternative à son adhésion à l'UE, tout en veillant à ne pas être absente des rouages nouveaux qui se dessinent au titre du secrétariat, en replaçant le tout dans le contexte des rapports avec Chypre).

Des avis sont même émis hors de la zne, come celui du président Abdulaye Wade pour qui l'UpM ne servira qu'à " couper " les Nords-Africains de l'Afrique subsaharienne. Un point de vue similaire à celui exprimé par le " guide " lybien M. Khadafi. Ce souci africain - qui plaide pour une approche " continentale " medafricaine - n'est pas pris à la légère ni à la Commission européenne ni à Paris puisqu'un des anciens ministres français à la Coopération, Olivier Stirn, a été chargé, au sein de l'équipe qui gère l'UpM à Paris, d'imaginer un schéma permettant de " jeter des passerelles " entre les politiques euroafricaines et euroméditerranéennes.

" Le bébé est né mais nous ne cessons de débattre de sa conception et des caractéristiques à lui donner ", " Vous n'avez pas compris ? Alors, nous sommes deux ! " entend-on ici ou là.

On s'est interrogé jusqu'au voyage du Président Sarkozy à Stockholm, début juillet, sur  l'attitude de la Présidence suédoise qui, comme la Belgique lorsque viendra son tour d'exercer la présidence du Conseil de l'Union au cours du second semestre 2010, a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas abondonner ses prérogatives à la tête de l'UpM à d'autres, contrairement à la République tchèque et à ce qu'envisage l'Espagne pour le prochain semestre (de mon point, plus tactiquement que sincèrement eu égard au calendrier européen qui verra très certainement le traité de Lisbonne entrer en vigueur lorsqu'elle assumera la responsabilité de la présidence du Conseil de l'UE ...). Car cette forte détermination se heurte à une double réalité : la ferme volonté de la France de demeurer co-présidente de l'UpM envers et contre tout et d'achever un mandat de 2 ans en dérogeant à la régle de rotation en usage dans l'UE, ainsi que la crainte de la Suède de disperser ses faibles " ressources humaines " toutes mobilisées dans l'accomplissement de son mandat europeéen. Une solution équilibrée a été trouvée sous la forme d'une sorte de " co-coprésidence " (situation qui anticipe celle qui résultera de la mise en oeuvre des dispositions idoines du traité de Lisbonne si aucun arrangement politique formel n'intervient d'ici là). La Suède coprésidera les réunions à caractère politique (notamment les rencontres organisées au niveau des haut fonctionnaires), la France co-présidant le reste, en particulier les réunions sectorielles et techniques comme celle qui a eu lieu fin juin à Paris autour des projets de développement durable, considérée comme un " succès " mais dont nul ne s'aventure à tirer des conclusions politiques sur la relance du dialogue, quand bien même un ministre israélien y a côtoyé des ministres arabes - maghrébins, jordaniens, syriens, etc. -; sauf à Paris où une intense campagne médiatique - dont les Français sont désormais coutumiers - a fait de cette rencontre le point d'orgue de la fin des blocages politiques entre Israël et le monde arabe qui entravait le bon fonctionnement de l'UpM.

Pour les pays arabes, rien ne serait encore joué alors qu'existe une décision de la Ligue arabe de ne participer qu'aux réunions de caractère technique en s'abstenant d'être présente à toute rencontre politique. Mais d'une Ambassade à une autre, les lectures de cette décision ne sont pas identiques comme en a témoigné la présence à la réunion des ministres de l'Economie et des Finances de la région euroméditerranéenne qui s'est tenue à Bruxelles le 7 juillet (cf. l'article qui lui est consacré sur ce blog Réunion des ministres de l'économie et des finances de l'espace euro-méditerranéen ).

Du côté européen, faute d'avoir à décider qui est aux commandes - alors que la Commission européenne est, en vertu des traités, la " gardienne " de ces derniers - la lettre d'invitation aux ministres de l'Economie et des Finances a été signée par uen multitude de protagonistes : la Suède - au titre de la présidence en exercice du Conseil de l'UE -, la France et l'Egypte - au titre des deux coprésidences en exercice de l'UpM -, la Commission européenne (en l'occurrence le Commissaire Joaquin Almunia) - au titre de la compétence dont elle dispose pour représenter la Communauté européenne dans les instances où se négocient des questions ayant trait au Commerce international - et le président de la BEI.

Le " jeu français ", ou plutôt le jeu " hispano-français ", intrigue . Des sources concordantes, au sein des institutions européennes, ne comprennent pas les motivations qui poussent Paris et Madrid à se liguer pour une mainmise sur la conduit de l'UpM. " Il n'y a pas de partage possible entre deux Etats membres seuls ", c'est au 27 dans leur ensemble de dire ce qu'il en est, fait-on observer. D'autant plus que ce  jeu ( ou ce double jeu à défaut de parler de " double je ") n'aurait plus de sens dès l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne puisque, s'agissant des questions politiques, ce sera le Président permanent du Conseil européen qui représentera l'Union dans les instances internationales, au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement, et le Vice-Président de la Commission également Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l'UE, au niveau ministériel. Pour les questions autres que politiques, les choses seront plus complexes, les présidences tournantes demeurant juridiquement fondées à exercer la représentation de l'Union dans les instances internationales, à l'exclusion des - rares - domaines où cette responsabilité incombera à la Commission européenne (Commerce international).

A moins que cette manoeuvre des deux capitales (l'Italie, autre Etat membre riverain important ne serait plus impliquée dans cette stratégie) ne soit conçue que pour favoriser l'émergence d'une Union euroméditerranéenne de nature intergouvernementale, ce qu'aurait tendance à corrober le peu d'intérêt que ces capitales manifestent à la dimension parlementaire du dossier, et à l'Assemblée parlementaire euroméditerranéenne - APEM - qui constitue indubitablement l'institution parlementaire la plus légitime à représenter à la fois les Peuples et les Etats de la région dans ce paysage.

Cette option apparaît en toile de fond des débats qui ont lieu autour de la mise en place du futur secrétarait général de l'UpM qui doit être installé à Barcelone.

Demeurant non réglées, les question sur son rôle et ses attributions, les compétences du Secrétaire général et des 5 ou 6 Secrétaires généraux adjoints (la Turquie se serait émue de contater que la promesse d'un 6ème poste faite par le ministre français des affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner, lors de la réunion ministérielle qui s'est tenue à Marseille en novembre 2008 s'est dissipée ; elle insist pour que l'engagement soit respecté, provoquant une demande similaire de la part de Chypre).

Dans ce " montage ", il restera - et c'est ce qui ramène au débat que la conception institutionnelle de l'UpM - à définir le rôle des institutions européennes, et notamment de la Commission européenne, mais pas uniquement, la Banque Centrale européenne, la Cour des Comptes européenne, etc., étant appelées à y exercer des responsabilités d'autant plus importantes que les questions monétaires et les questions budgétaires qui ne manqueront pas d'intervenir, bon gré mal gré, dans les travaux futurs de l'UpM, les réintroduiront inéluctablement dans le cercle au même titre que le Conseil, le Parlement européen (les deux branches de l'autorité budgétaire de l'Union) et l'APEM (comme évoqué ci-dessus)  ! Sans oublier une fois encore les présidences tournantes du Conseil. Une année est encore nécessaire avant que la Belgique assume cette présidence, mais la préparation est déjà active en raison du renforcement de la " méthode du trio ", c'est à dire la préparation coordonnée de trois présidences successives. Ce principe est déjà plus ou moins efficacement appliqué ; mais le Traité de Lisbonne va lui donner un carctère formel, et les trois pays d'abord concernés - l'Espagne, dès le premier janvier prochain, la Belgique et ensuite la Hongrie - ont décidé d'en anticiper la pleine application : entre eux, ce n'est plus simplement un échange d'informations sur les intentions respectives mais la définition de priorités et d'un programme commun couvrant, en principe, une année et demie. Cet exercice, effectué dans la mesure où il est possible de prévoir l'avenir, laisse ouverte la possibilité pour chacune des trois présidences de mettre l'accent sur l'un ou l'autre aspect et d'indiquer une orientation politique générale. Les choses ne sont donc pas aussi simples qu'on le croit, qu'on feint de le croire et/ou qu'on le souhaite à Paris (et, aux réserves exprimées supra près,  à Madrid).

Sur le plan politique, faut-il rappeler que le droit international que contituent à la fois la combinaison irréductible du droit primaire (les traités) et du droit dérivé de l'Union ne peut être délibérement contourné par des Etats - dits de droit - qui s'y sont soumis de leur pleine volonté en tant que signataire desdits traités, codécideurs  et colégislateurs au travers du Conseil et du Parlement européen, et qui, par ailleurs, ont choisi de manière tout aussi volontaire et délibérée d'adhérer à la Charte des Nations Unies, et partant, de se soumettre à toutes les obligations du droit international qui les lient, sauf à courir le risque d'une condamnation devant la Cour de Justice internationale ?

(Cet article a été réalisé à partir des éléments de celui que Fathi B' Chir signe dans le BQE n° 9935 du 4 juillet 2009)

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