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Publié par Patrice Cardot

Après que de nombreux pays européens ont renfloué les institutions financières menacées de faillite, l'attention se tourne maintenant vers les dettes des Etats, et des mesures d'austérité de plus en plus contraignantes sont discutées au niveau européen.
Depuis l'adoption en mars 2011 du « pacte pour l'Euro plus » (traduction européenne de la proposition franco-allemande de pacte de compétitivité - cf. Conseil européen : conclusions du sommet des 24 et 25 mars 2011), l'Union européenne se donne progressivement les moyens d'un contrôle accru des politiques budgétaires, fiscales mais aussi salariales ou de protection sociale des pays membres de la zone Euro. Le sommet européen des 23 et 24 juin prochain doit décider si les projets de budgets nationaux correspondent aux objectifs du pacte, et doit aussi discuter des propositions de la Commission européenne visant à la mise en place de nouvelles procédures contraignantes de surveillance budgétaire et fiscale des Etats membres de la zone Euro.  

Il est à craindre que des mesures d'austérité budgétaire à courte vue, ainsi que l'insistance sur la compétitivité par la baisse des coûts salariaux ne mettent à terme en danger la croissance économique et la viabilité politique de l'Union européenne. Si aujourd'hui l'Europe a besoin d'un pacte, c'est d'un pacte d'investissement social. La notion d'investissement social est apparue à la fin des années 1990 afin de moderniser les systèmes européens de protection sociale, de garantir leur viabilité tout en leur permettant de répondre aux nouveaux besoins sociaux et à l'émergence de nouvelles inégalités entre les genres, les générations et les groupes sociaux propres aux sociétés post-industrielles.

Cette perspective de long terme pour les politiques sociales souligne que les politiques sociales ne peuvent plus se contenter d'être des dispositifs d'indemnisation, mais qu'elles doivent porter une stratégie collective d'investissement qui prépare les individus et les familles à faire face aux nouveaux risques sociaux et aux nouvelles conditions économiques.   Au cours de la dernière décennie, les systèmes européens de protection sociale ont été réformés en profondeur, réussissant plus ou moins bien à faire des politiques sociales des politiques orientées vers le futur. Les pays nordiques ont le mieux réussi à investir dans leurs enfants, à fournir à chacun les moyens de réussir dans la nouvelle économie et connaissent aujourd'hui une croissance économique très forte (7,5 % pour la Suède en 2010), et les taux d'activité les plus élevés d'Europe. Jusqu'avant la crise, les Pays-Bas avaient réussi à fortement augmenter la participation de leur citoyen(ne)s au marché du travail tout en préservant les droits sociaux (flex-sécurité), l'Allemagne avait progressé dans le soutien à l'activité professionnelles des jeunes parents et l'accueil des jeunes enfants, la Grande Bretagne avait avancé dans la lutte contre la pauvreté des enfants, l'Irlande avait investi dans son système éducatif, l'Espagne avait réussi à négocier une transformation progressive de son marché du travail et de son système social...  

Cependant, la crise déclenchée en 2008 semble avoir sonné le glas de ces progrès, presque partout les inégalités et le chômage ont augmenté, et les niveaux d'endettement de nombreux Etats européens semblent remettre en cause toute capacité d'investissement nouvelle. On ne parle plus aujourd'hui que de lutte contre les déficits à coup de mesures d'austérité budgétaire, y compris dans le secteur social.  En 2010, avant que ne soient adoptés les nouvelles procédures budgétaires, les pays européens s'étaient engagés sur une stratégie de long terme, « Europe 2020 », visant « une croissance intelligente, soutenable et inclusive ».

Cette stratégie contient des objectifs d'investissement social tels qu'augmenter les taux d'emploi de tous, réduire le nombre de jeunes sortis sans diplômes du système scolaire et augmenter le nombre de diplômés de l'enseignement supérieur, réduire de 20 millions le nombre de personnes en risque de pauvreté. Il convient de prendre ces objectifs au sérieux. Les pays Européens seront-ils aussi stricts sur la nécessité d'atteindre ces objectifs que sur les règles budgétaires ?  

Il est à craindre que l'équilibre qui avait été trouvé en 2010 entre les contraintes budgétaires de court terme et les orientations économiques, écologiques et sociales de long terme ne soit remis en cause par les orientations actuelles de la Commission sous l'influence de nombreux Etats membres (dont la France et l'Allemagne). Il n'est bien sûr pas possible de négliger les problèmes de déficits et de dettes rencontrés par de nombreux pays. Mais il faut aussi se demander comment il est possible d'aider les pays en difficulté à investir dans leur avenir tout en luttant contre leurs déficits. L'Union européenne devrait mettre ses préoccupations environnementales, sociales, éducatives au même niveau que ses préoccupations budgétaires. Le pacte d'investissement social devrait être le pendant du pacte pour l'Euro plus, afin de donner un tour positif aux interventions européennes et de signifier aux populations qui souffrent de la crise et doivent subir des mesures d'austérité que l'Europe permet aussi de préparer un avenir meilleur, notamment en investissant dans sa jeunesse. Ainsi, par exemple, les aides financières européennes (comme les fonds structurels) devraient soutenir des politiques d'investissement social.  

Tout en s'assurant que la crise de la dette est évitée, l'Union européenne pourrait ainsi veiller à ce que tous les Etats membres s'engagent sur des politiques d'investissement social, et trouvent les moyens de le faire, y compris par des aides européennes. Ce pacte permettrait de soutenir l'investissement dans les structures d'accueil de qualité pour tous les jeunes enfants, des systèmes éducatifs et de formation continue de qualité pour tous, l'amélioration des conditions de travail et de la qualité des emplois pour notamment permettre des carrières professionnelles moins chaotiques et plus longues. Elle devrait aussi soutenir des efforts redoublés d'éducation, de formation et d'intégration sur le marché du travail des migrants, ainsi que la mise en place d'un filet de sécurité pour tous.  

Si l'Europe doit faire face aux difficultés budgétaires et financières présentes, elle doit aussi préparer l'avenir et promouvoir le progrès social.    

Cette tribune résume les points développés dans un texte publié par l'Observatoire social européen : « The EU Needs a Social Investment Pact », téléchargeable ci-dessus et depuis le site http://www.ose.be/EN/  

Source : http://www.lepost.fr/article/2011/06/21/2529012_c-est-d-un-pacte-d-investissement-social-dont-l-europe-a-besoin.html  

Cet article a été publié une première fois sur ce blog au printemps 2011.

Voir également les articles de la rubrique intitulée UE, emploi, lutte contre pauvreté et exclusion

et plus particulièrement : 

 * « Le capitalisme est d’une immense efficacité et d’une abominable cruauté », par Michel Rocard (LeFigaro)

 * Près d’un quart des Européens menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale (Boursorama) - nouvelle édition -

 

 

 

 

 

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