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Publié par ERASME

L'art du gouvernement s'est considérablement complexifié au cours des deux dernières décennies, en fait depuis la chute de l'Union soviétique. Avec la mondialisation et l'explosion numérique, l'interdépendance a changé de degré, maîs surtout de nature.  L' « effet papillon » est une réalité, dans le domaine économique comme dans le domaine politique. La crise financière, née il y a cinq ans de l'affaire des « subprimes », continue de peser sur les Etats Unis et sur l'Europe, et donc de menacer la croissance dans les parties les plus dynamiques de la planète .Le « printemps arabe » est encore loin d'avoir épuisé ses effets.

De plus en plus ouverts a tous les vents la plupart des Etats ont moins que jamais la maîtrise de leur environnement Parallèlement, ils perdent celle de leurs affaires intérieures, en raison également du développement incontrôlable des médias et des réseaux sociaux. Chacun peut désormais, sans aucune retenue, mettre directement des contenus a la disposition d'un public potentiellement illimité. II en résulte une explosion des points de vue et un aplatissement de 1'autorite, experts et citoyens de base tendant a être mis sur le même plan.

Quant aux réseaux sociaux, on peut souvent y voir des coalitions d'attention plus ou moins temporaires et réversibles, le plus souvent sans effets externes majeurs maîs susceptibles de se transformer en coalitions d'intention et même, parfois, de produire des conséquences fulgurantes, comme un coup de grisou.

Inconfortables pour les Etats démocratiques, ces phénomènes sont insupportables pour les gouvernements autoritaires, qui redoutent de se trouver brusquement déstabilises et de subir le sort des regimes de Ben Ah, de Moubarak ou de Kadhafi. Ces gouvernements ont donc tendance a se raidir, comme aujourd'hui la Russie, quitte a se résigner aux conséquences négatives de leurs actes - comme dans l'affaire Pussy Riot- en termes d'image. On retrouve là l'énorme disproportion entre les causes et les effets, caractéristique de l'effet papillon. Dans certains cas, comme en Iran la repression semble efficace, maîs à quel coût, et pour combien de temps ?

A la limite, un Etat totalitaire comme la Corée du Nord est condamné à l'isolement total, afin de pouvoir survivre pour une durée d ailleurs indéterminée.

Une fin de l'Histoire

Les optimistes voient dans ces évolutions comme une marche accélérée vers la fin de 1'Histoire, pour parler comme le philosophe et économiste américain Francis Fukuyama il y a vingt ans .Pour eux, la démocratie universelle va naître de la Toile. Grâce à elle nous vivrons bientôt dans le meilleur des mondes possibles. Les pessimistes ou plutôt les réalistes observent que les sociétés évoluent beaucoup plus lentement que la technologie. Ici ou là, le « printemps arabe » est en voie d'être récupéré, comme avant lui la « révolution orange » en Ukraine.

En affaiblissant la capacité de décision des vraies démocraties, à vrai dire de plus en plus impotentes, ne fait-on pas paradoxalement le jeu des forces réactionnaires qui récupèrent à leur profit les mouvements initiés par des adeptes, conscients ou inconscients, de la religion de la fin de l'Histoire ? Un des piliers de cette religion est la posture selon laquelle la liberté la plus absolue doit régner sur la Toile. On en revient ainsi au vieux débat sur les fondements du libéralisme, le dogme libertaire se heurtant a l'idée que trop de liberté tue la liberté.

L 'nseignement majeur du libéralisme (politique ou économique) est que la liberté doit être encadrée par des institutions visant à la consolider dans la durée. De telles institutions ne naissent pas par génération spontanée, comme le montre l'histoire des démocraties occidentales, d'où l'erreur de ceux pour qui il suffit de renverser une dictature et de faire une élection au suffrage universel pour reéoudreles problèmes.

Le rôle sans équivalent des think tanks

Cela nous permet de toucher du doigt un problème fondamental de notre époque. Par nature, la Toile ignore les frontières Or, historiquement, les institutions puisent leur légitimité dans les Etats-nations. La notion de société civile se définit elle même dialectiquement par rapport aux Etats puisqu'un aspect essentiel des institutions d'une sociéte civile est d'exercer une fonction critique vis a vis d'un gouvernement, lequel veille en retour à ce qu'elles respectent les lois .De ce point de vue, la société civile mondiale n'existe pas davantage qu'il n'y a d'unité politique mondiale. Ce qui existe aujourd hui de gouvernance mondiale est squelettique, et aucune culture commune ne cimente les citoyens du monde En même temps, on sent bien que, sans une bonne gouvernance, la mondialisation court à sa perte, ce qui pourrait ouvrir la voie à toutes les aventures. Puisque les Etats semblent impuissants à faire émerger une telle gouvernance, ne faut il pas attendre le salut des centaines de millions d intelligences connectées sur la Toile ? C'est la que les think tanks de la planete qui travaillent sur le mode de la raison, et pas seulement sur celui de l'émotion, peuvent jouer un role sans équivalent dans l'Histoire.

On peut imaginer que se constituerait ainsi l'embryon d'une sociéte civile mondiale portant le germe d'une unite politique mondiale.

A l'ère numerique, pareil renversement est devenu concevable. Maîs il faudra, dans le meilleur des cas, beaucoup de temps pour renforcer ainsi la sécurite planetaire.

D'ici la bien des accrocs, et sans doute de drames, se produiront.

 

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