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Publié par ERASME

Quand va-t-on enfin cesser de qualifier la crise européenne de crise bancaire, de crise de la dette ou de crise de l'euro ? Va-t-on enfin réaliser que cette crise est d'abord et avant tout une crise d'absence de perspectives de croissance annoncée de longue date ?

Au-delà du renforcement du fonds européen de stabilité financière, tout l'enjeu du Conseil européen de mercredi 26 octobre, c'est de définir les conditions d'un retour à une croissance forte et durable. La crise financière a eu deux conséquences majeures pour l'Europe.

D'une part, elle a accéléré le processus de rééquilibrage économique et financier mondial en faveur des grands pays émergents et mis fin, avec l'institutionnalisation du G20, au monopole de l'Occident sur la mondialisation. D'autre part, elle a conduit à un accroissement massif de l'endettement européen à des niveaux jusque-là inconnus et mis en lumière la faiblesse du potentiel de croissance de l'Union européenne et de ses Etats membres.

C'est cette absence structurelle de perspectives de croissance à long terme des Etats européens qui rend problématique le remboursement de la dette et que sanctionnent aujourd'hui les marchés. Ceux-ci considèrent en effet que les Européens, faute de stratégie économique fédérale et de capacité de décision rapide, n'auront pas les moyens économiques et politiques de faire face à leur endettement.

Chose nouvelle, ils font peser une prime de risque sur l'économie européenne. A contrario, ils accordent une prime de confiance aux économies des Etats-continents que sont l'Inde, la Chine ou encore le Brésil : les grands pays émergents disposent de gisements de croissance plus forts et plus sains, à la fois parce qu'ils ont mis en oeuvre de véritables stratégies industrielles de long terme, mais aussi parce qu'ils sont encore en situation de rattrapage économique accéléré. L'Europe devient ainsi aux yeux du monde une zone à risque.

Cette crise structurelle n'est pas une surprise, elle est annoncée de longue date. Dès 2000, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Europe des quinze réunis en Conseil à Lisbonne prennent conscience que la décennie 2010-2020 sera critique pour l'Europe. Ce qui est nouveau, c'est qu'ils doutent de la crédibilité des décisions européennes qui, une fois prises, même dans l'urgence, nécessitent l'accord des Parlements des Etats membres et prennent des mois à être mises en oeuvre. La vérité, c'est que le système de décision européen, largement intergouvernemental, n'est pas adapté à la gestion de crise.

Or, comme le souligne régulièrement Jean-Claude Trichet, l'Europe est entrée dans un cycle de crises durable auquel aucun Etat membre ne peut faire face seul et auquel la zone euro, parce qu'elle n'est pas une union économique et sociale, n'est pas préparée.

Dès lors, il ne s'agit pas seulement d'une crise de l'euro ou de l'Union européenne, mais bien d'une crise du système européen dans sa globalité, Etats membres, zone euro, Union européenne. C'est à cette crise qu'il faut apporter une solution globale qui soit également crédible et légitime.

Il serait faux de dire que les Etats européens n'ont pas pressenti cette nouvelle donne économique et géopolitique. La stratégie de Lisbonne décidée en 2000 par les chefs d'Etat et de gouvernement prévoyait que chaque Etat membre sur une base volontaire mettrait en place des réformes structurelles lui permettant de retrouver de la compétitivité ainsi qu'une politique d'investissement permettant de doper l'innovation. Faute de mesures contraignantes, ces engagements n'ont été tenus que par l'Allemagne et les pays de l'Europe du Nord, ce qui explique en partie la réindustrialisation de ces pays et le déclin industriel des autres.

Il est en revanche juste de dire que l'Union européenne a refusé de faire face à l'hypothèse d'une crise systémique dans la mesure où accepter cette hypothèse, c'était reconnaître la nécessité de mettre en place des mécanismes de décision de nature fédérale pour un certain nombre de sujets au moins pour la zone euro : prévention et gestion de crise financière et monétaire, architecture européenne de supervision bancaire et assurantielle, politique d'investissement, convergence sociale et fiscale.

Si le Conseil européen de mercredi veut être décisif pour l'avenir de l'Europe, il doit engager trois mouvements de fond : renforcer le fonds européen de stabilité financière pour être en mesure de faire face à l'urgence grecque et prévenir une crise de la dette italienne ou espagnole, crédibiliser les perspectives de croissance des Etats les plus fragiles, France comprise, initier le processus conduisant à la création d'un gouvernement économique et social pour la zone euro disposant d'une capacité d'action rapide et donc largement autonome, ce qui pose la question d'un contrôle démocratique de ce gouvernement.

Sans cette triple dynamique, le scepticisme va continuer à se généraliser et l'Europe s'enfoncer dans la crise.

 

Guillaume Klossa est l'auteur de Europe, la dernière chance ? (Armand Colin, 224 p., 18 €). Son profil Twitter est @GuillaumeKlossa.

 Président d'EuropaNova, il fut conseiller de Jean-Pierre Jouyet pendant la présidence française de l'UE en 2008

 

Voir également : C'est d'un pacte d'investissement social dont l'Europe a besoin ! par Terra Nova


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