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Publié par De la Boisserie

La dissolution progressive de la double posture stratégique et diplomatique française dans celles de l'OTAN de l'Union européenne suit son cours depuis le retour de la France dans les structures militaires intégrées de l'Alliance de la volonté même du chef de l'Etat d'alors, Nicolas Sarkozy, non sans susciter quelques interrogations sur les motivations qui la guident et les impacts qu'elle induit sur l'audibilité de la voix de la France en Europe comme dans le Monde.

Certes le maintien de son statut privilégié de membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, qui ne tient encore qu'à l'existence de sa force de dissuasion nucléaire, confère encore à la France une visibilité planétaire, mais les blocages devenus récurrents des résolutions soumises à ce Conseil de Sécurité en raison de la nouvelle division du monde en deux pôles d'équilibre stratégiques opposant ses 5 membres permanents nous inclinent à modérer toute tentative de triomphalisme à cet égard.

La guerre en Ukraine à laquelle l'Union européenne comme l'OTAN ont réagi, de concert, par des mesures particulièrement fortes, a mis à mal la tentative diplomatique isolée du chef d'Etat français Emmanuel Macron de renouer un dialogue stratégique direct avec la Russie autour de la question d'une nouvelle architecture de sécurité européenne restée en suspens depuis la chute de l'URSS et la disparition du Pacte de Varsovie, l'Union européenne comme l'Alliance atlantique ayant renoncé depuis les premiers signes de la crise russo-géorgienne à nouer un partenariat stratégique avec la Russie, tout en poursuivant sans aucune consultation avec elle leur propre processus d'élargissement à l'Est de l'Europe.

La posture gaullienne de neutralité stratégique et diplomatique de la France s'en trouvera naturellement d'autant plus altérée que les chefs d'Etat français qui se sont succédés depuis 2007 n'ont eu de cesse de réduire la voilure de l'arsenal militaire comme de l'arsenal diplomatique de la France, abandonnant ainsi les marges de manoeuvre politiques dont elle disposait au profit de jeux et enjeux stratégiques et diplomatiques échappant à son contrôle autant qu'à son influence.

Dans le même temps, une France sous influence étrangère grandissante est apparue incapable de prendre la pleine mesure des impacts des orientations, des décisions et des non décisions prises par les organisations euroatlantiques auxquelles elle a sciemment confié la responsabilité de sa réassurance stratégique, abandonnant cette 'exception française' et à sa neutralité, véritables marques de son indépendance, aux phénomènes d'anglo-saxonisation et d'américanisation à l'oeuvre aux plan des moeurs, des économies, des cultures, des technologies, des lectures du monde et de l'écriture des nouveaux codes juridiques .... comme à ceux de la réécriture des doctrines diplomatique et stratégique.

Sur le continent euroasiatique, l'élargissement de l'Union européenne à marche forcée, menée par une Commission européenne résolument étrangère aux considérations sécuritaires et stratégiques au prix de concessions insoutenables en regard des critères d'adhésion établis pourtant jadis avec la rigueur de l'esprit des critères de Copenhague, en participant à générer une instabilité stratégique impensée en raison du déplacement continuel vers un centre-est soumis aux influences aussi complexes que composites : germanique/russe/slave/ottomane ainsi que catholique/protestante/orthodoxe/musulmane, des centres de gravités culturels, linguistiques, économiques, démographiques et économiques, a placé la France devant une situation inédite à laquelle elle n'était ni préparée ni en état d'opposer des alternatives acceptables tant du point de vue 'occidental' que des points de vue russe et turque.

Dans son ouvrage intitulé 'Emmanuel Macron, le "disrupteur" - La politique étrangère d’un président antisystème' Isabelle Lasserre, Correspondante diplomatique du Figaro, rédactrice en chef adjointe au service étranger du Figaro, souligne : Critique de l’Otan en état de « mort cérébrale », opposition violente au président turc Erdoğan, tentative de rapprochement avec la Russie… Après avoir réussi un blitzkrieg à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a voulu renverser l’échiquier international. Sous la Ve République, la politique étrangère est un domaine réservé du chef de l’État. Mais Emmanuel Macron a poussé à l’extrême cette particularité française au sein des démocraties. Adepte du pragmatisme et de l’efficacité, il a souvent agi seul, et a multiplié les coups en contournant les administrations, notamment le ministère des Affaires étrangères, et en s’appuyant sur de petites équipes ad hoc. Les résultats de cette méthode sont mitigés. Il a scellé la réconciliation avec le Rwanda et fait bouger les lignes en Afrique ; il a aussi donné une nouvelle impulsion à l’Europe, malgré les désaccords profonds avec l’Allemagne. Mais la politique de rapprochement avec la Russie a été un échec ; la France s’est aliéné une partie des pays d’Europe centrale et orientale, et n’a pas réussi à reprendre la main au Moyen-Orient. La plupart de ces revers sont dus au fait que la France ne peut plus, seule, exercer son influence dans le monde. C’est la principale faiblesse d’Emmanuel Macron : ne pas savoir s’appuyer sur ses partenaires pour créer du consensus. "

Dans une émission diffusée sur France Culture, elle ajoute : " La France est un pays qui est sans doute davantage écouté à l’international aujourd’hui qu’il ne l’était il y a 5ans. Macron, par son dynamisme, ses méthodes nouvelles et son omniprésence sur toutes les crises internationales a remis la France au cœur des politiques internationales. Mais on peut relativiser ce retour au devant de la scène par ses échecs en Russie, en Libye, ou encore au Liban."

La perte d'influence considérable qui en résulte entame la crédibilité de la posture diplomatique française portée par un président accusé constamment d'être l'acteur d'un double jeu ... un double jeu dont la France sort perdante tant en regard de ses intérêts et objectifs au sein de cette Alliance des démocraties dont elle prétend avoir l'ambition d'être le héraut, que de ceux tout aussi exigeants qu'elle nourrit à l'égard du reste du monde, oubliant en passant les intérêts et objectifs qu'elle devrait chercher à sauvegarder pour elle-même, fragilisant du même coup le projet européen dont elle constitue encore l'un des principaux piliers.

L'élargissement sans fin de l'Union européenne y contribue bien plus qu'on ne semble le mesurer en Europe.

L'affaiblissement du rayonnement diplomatique et géopolitique de la France conduira inexorablement à la sortie de l'histoire de l'Union européenne dont il est illusoire de penser qu'elle puisse changer radicalement son logiciel d'analyse et sa capacité à exister sur le plan stratégique à la faveur de diners de gala et de déclarations inconsistantes ! L'Allemagne, qui est la grande bénéficiaire de cet affaiblissement au sein de l'Espace européen, bien qu'elle ait fini par abandonner son statut de nain géopolitique de l'après guerre, n'est pas - et ne sera pas avant longtemps - en capacité d'offrir les mêmes garanties de sécurité et les mêmes leviers d'influence que ceux dont s'est doté la France ! Quant à l'Union européenne, dont les ambitions soudaines de souveraineté ou d'autonomie stratégique n'ont trouvé jusqu'ici aucune traduction véritable ni dans les traités, ni dans les budgets, ni dans ses postures diplomatiques, la définition prochaine de sa boussole stratégique nous offrira l'occasion d'en évaluer la volonté !

La sortie inéluctable par la voie diplomatique de cette sale guerre d'Ukraine ne proviendra très probablement pas de l'action diplomatique ambiguë de la France, ni à celle tout aussi illisible de l'Union européenne ! Elle aura été rendue possible par le concours d'acteurs dont la neutralité autant que la crédibilité sur la scène internationale et les motivations à voir se conclure rapidement et de manière à ménager l'avenir de toutes les parties au conflit seront jugées sincères (Israël, Turquie, Allemagne, Chine ..) !

 

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