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Publié par ERASME

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La "fatigue démocratique". Comment l'expliquer ? Comment peut-on y remédier ?

Il y a des explications conjoncturelles : les démocraties libérales occidentales ont fait preuve d’arrogance. Dans les années trente, on les jugeait dépassées, trop affaiblies par leurs contradictions internes pour lutter à armes égales contre la mobilisation totale des totalitarismes. Et pourtant, elles ont vaincu le nazisme – au prix de très grands sacrifices humains. Et à la fin des années 1980, le communisme – sans verser une goutte de sang. Du coup, à la fin du XX° siècle, la principale d’entre ces démocraties, les Etats-Unis d’Amérique, s’est crue, portée par l’histoire, et autorisée à exporter sa démocratie à coups de bombardements aériens. Erreur que nous avons commise nous-mêmes, autrefois, en cherchant à exporter notre Révolution en Europe. Avec les mêmes résultats : un fantastique retour de manivelle. Comme le dit Edward Luce, les guerres d’Irak et d’Afghanistan, comme l’intervention franco-britannique en Libye, « ont causé de graves dommages à la marque démocratie ». 

Depuis, Russes et Chinois, qui disputent aux médias occidentaux leur ancien monopole sur l’information mondiale, distillent le même message : la démocratie occidentale est un leurre, un rideau de fumée. En interne, elle dissimule le pouvoir exercé en sous-main par des élites sociales qui se moquent de la volonté du peuple ; et à l’extérieur, l’expansion de la démocratie est le dernier prétexte inventé par le néo-impérialisme pour imposer ses intérêts.

Mais il y a aussi des raisons structurelles. Une « entropie de la démocratie », selon l’expression de Jan Werner Müller, un des meilleurs théoriciens actuels du populisme. Cela fait quelques années que certains politologues portent, sur nos démocraties un regard désenchanté. On a beaucoup commenté, le livre de Peter MairRuling the Void : The Hollowing of Western Democracy (Diriger le Vide, l’évidement de la démocratie occidentale »). Mair, qui est décédé juste avant la parution de son livre, en 2013, était un spécialiste irlandais de politique comparée. Dans ce livre, il relevait quelques faits préoccupants.

La fin de l’âge de la démocratie de partis. La majorité des électeurs ne s’identifient plus avec une idéologie, un camp, comme le faisaient leurs parents, généralement fidèles au même parti tout au long de leur existence. Non, l’électeur aujourd’hui se comporte en consommateur de programmes.  Il se décide, souvent au dernier moment, en fonction de ce qu’il perçoit comme son intérêt personnel. 

Or, pour s’adapter à cette demande d’efficacité, les politiques se sont recentrés sur le pragmatisme gestionnaire - « what matters is what works », disait Tony Blair. Ce qui compte, c’est ce qui marche. D’où une dépolitisation du processus de décision. Et un rapprochement inévitable entre des partis, en concurrence pour le pouvoir, mais d’accord sur presque tout. Le politologue britannique Colin Crouch, créateur du concept de « post-démocratie » définit celle-ci comme un régime dans lequel « on peut changer de dirigeants, mais pas de politique ». Frustration de l’électorat !

Du coup, prétend Jan Werner Müller, les électeurs se sentent condamnés à choisir entre des gouvernements d’experts dépolitisés qui rechignent à rendre des comptes à leurs mandants et des populistes braillards, qui cachent leur incapacité à produire des résultats en proférant des slogans creux… Exemple des premiers, l’Union européenne, et des seconds, Donald Trump. [...] "    

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