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Publié par ERASME

L’Europe peut et doit offrir des réponses crédibles à cette fracture alimentaire mondiale en voie d’émergence.

La cote d’alerte est atteinte. Le prix des matières agricoles progresse vers des niveaux souvent jamais vus. Au-delà même des sommets de 2008 qui avaient conduit aux premières “émeutes de la faim” d’ampleur. Les aléas climatiques – comme les incendies de l’été en Russie -y ont naturellement contribué. De même, la demande alimentaire croissante notamment de l’Asie, Chine en tête, explique-t-elle pour beaucoup la hausse observée. D’autres facteurs, que l’on a tendance à sous-estimer, concourent eux aussi à ces évolutions. Au premier rang desquels on trouve la spéculation. Son impact est certes difficile à quantifier. Comment croire toutefois que la financiarisation croissante des transactions (agricoles) à laquelle on assiste ne serait pour rien dans la hausse des prix ? Lorsque l’on s’affranchit de la réalité économique pour se réfugier dans des échanges virtuels, la volatilité des prix (en général vers le haut…) en découle automatiquement. Comment ne pas croire également que l’achat massif de terres arables en Afrique, en Amérique latine ou encore au Kazakhstan, à l’initiative de pays asiatique (Chine et Corée notamment) ou du golfe Persique, ne pèse pas sur la perception d’une rareté croissante de l’offre ? Il est clair aujourd’hui que l’agriculture est devenue un nouveau terrain d’affrontement à l’échelle de la planète. Pour éviter les excès, une régulation s’impose.

L’OMC n’est sans doute pas en mesure actuellement d’apporter une réponse crédible tant les oppositions sont fortes entre producteurs, importateurs et autres acteurs. Il faut lancer une réflexion ambitieuse et moderne, qui tienne compte des enseignements de la crise financière récente, sur le moyen d’articuler besoins alimentaires et offre de produits. Le Salon de l’agriculture a sensibilisé, en France, nos dirigeants à la question. C’est un début. Plusieurs autres manifestations, plus globales, internationales, devraient y concourir elles aussi : Dakar agricole en avril et, surtout, G20 agricole en juin prochain. La situation actuelle va devoir aussi nous amener à repenser la stratégie agricole européenne. A un moment où la population mondiale poursuit sa course effrénée vers les 9 milliards à horizon 2050, où les besoins alimentaires vont suivre alors même que les terres arables demeurent en quantité limitée – voire pourraient se réduire sous l’effet d’une pollution généralisée et d’une raréfaction des ressources en eau qui rendent impropres à l’exploitation des terres autrefois productives -, il est temps de changer de vision et capitaliser, nous Européens, sur cet atout que nous avons entre nos mains. Cela signifie revisiter les politiques visant à limiter nos capacités productives et, aussi et surtout, être capable de donner un vrai statut à nos agriculteurs dont nombre d’entre eux sont tombés dans une situation d’indigence indigne. L’Europe peut et doit offrir des réponses crédibles à cette fracture alimentaire mondiale en voie d’émergence.

C’est à cette condition que l’on évitera la multiplication de ces nouvelles émeutes de la faim qui, souvent, ont été un des déclencheurs des révolutions arabes des derniers jours. Avec le risque autrement qu’elles ne débordent des frontières d’outre-Méditerranée pour se répondre sur les rives nord de ce qui est notre Mare Nostrum.

 

Source : Institut Choiseul - http://www.choiseul.info/ - et Le nouvel Economiste - N°1556 - 3 mars 2011

 

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