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Publié par Paul Auster

La crise n'en finit pas d'affaiblir l'Europe, mais personne n'imagine vraiment que l'union pourrait se dissoudre. Et pourtant... en 88 avant la chute de l'URSS, personne n'envisageait l'effondrement de la superpuissance...

Atlantico : L'ancien dissident soviétique Vladimir Boukovski théorisait déjà en 2005 l'idée que l'Union Européenne, de par son gigantisme administratif et sa nomenclature technocratique, était en train de devenir une nouvelle URSS. Les actualités récentes vous incitent-elles à partager ce constat ?

Jacques Sapir : La comparaison entre l’URSS et l’Union Européenne est souvent faite. En réalité, l’URSS était la descendante de l’Empire tsariste, alors que l’UE se présente comme une nouvelle construction institutionnelle. Il est clair que l’on assiste à une multiplication des normes et des règlements, mais ceci est en partie inévitable, et en partie justifié car nous vivons dans une société de plus en plus complexe, et où la "densité sociale", soit la probabilité qu’une action non intentionnelle de l’un affecte un autre, augmente régulièrement.

Le véritable point sur lequel une comparaison porte c’est la nature toujours plus anti-démocratique de l’UE et bien entendu de l’URSS. En ce qui concerne l’UE, c’est par la tendance à transférer de la légitimité des États-Nations vers des instances supra-nationales qui ne sont ni élue ni responsable devant des élus, que se marque le caractère anti-démocratique. En fait, c’est la négation du principe de souveraineté, qui fonde celui de légitimité, qui est en cause.

L’UE voudrait définir ses actes uniquement du point de vue de la légalité, mais comment apprécier la justesse d’une loi ou d’un règlement ? C’est la raison de l’opposition de plus en plus grande que rencontre l’UE dans les différents pays qui la composent.

Jean-Robert Raviot : Comparaison n’est pas raison : il n’y a dans l’UE ni parti unique, ni système unifié de sélection des élites à l’échelle des 27 pays membres, ni "Politburo" à Bruxelles. Il y a bien sûr une certaine dérive technocratique de l’UE. Au cours des dix dernières années, on a le sentiment d’une construction européenne à marche forcée. Les résultats négatifs des référendums français, néerlandais et irlandais ont été circonvenus. Le message des urnes a été méprisé et ignoré. Les décisions majeures et les grandes orientations sont prises au sein du "conclave" formé par le Conseil européen et des commissaires de Bruxelles.

La logique bureaucratique domine, d’où les analogies avec certaines pratiques soviétiques : inflation normative, langue de bois des institutions... Il n’y a bien sûr ni police politique, ni norme idéologique officielle dans l’UE. Il n’empêche que le "déficit démocratique" est abyssal ! Récemment, un projet de la Commission européenne (révélé par le Daily Telegraph) consistant à financer des équipes de "trolls" pour contrer l’euroscepticisme dans les réseaux sociaux et influencer les opinions publiques pendant la campagne des élections de 2014, renseigne bien sur la conception que se font les technocrates de Bruxelles de la démocratie délibérative...

L’analogie qui me paraît la plus remarquable entre l’UE de 2013 et l’URSS de 1990 est l’impuissance du politique, impuissance qui a pour effet d’accroître presque mécaniquement le pouvoir des bureaucraties. L’élaboration d’un consensus européen à 27 étant évidemment laborieux et difficile, les accords se font généralement en amont du politique, par la voie technocratique, dans la langue des technocrates, par les technocrates.

Voir la suite de cet article sur le site d'Atlantico : http://www.atlantico.fr/decryptage/union-europeenne-est-elle-dans-meme-etat-que-urss-en-1988-jacques-sapir-jean-robert-raviot-696844.html

 

C’est l’intendance qui gouverne. Le politique suit. On en vient à résoudre des questions fondamentales sans les débattre ni les trancher, en les transformant immédiatement en normes. Le politique est totalement dilué dans la pure gestion des affaires courantes. Cette prolifération des normes dans un contexte impolitique (pour reprendre la terminologie de Julien Freund) ressemble au système soviétique en phase terminale. L’UE de 2013, comme l’URSS de 1990, est un corps sans tête.

 

 

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