"Le mandat d'arrêt européen" de Sophie Bot (Recension proposée par Pierre Bouvier pour l'Agence Europe)
Issu d'une thèse de doctorat public soutenue l'année dernière à l'Université d'Avignon et des Pays du Vaucluse, ce
livre n'est pas un travail scientifique déconnecté des réalités du terrain : parallèlement à sa rédaction, Sophie Bot travaillait déjà comme assistante de justice au Parquet général près le Cour
d'appel de Montpellier, y étant en charge de la coopération en matière pénale. Voilà qui lui a permis, ainsi que le souligne le Pr. Jörg Gerkrath (qui enseigne le droit européen à l'Université de
Luxembourg) dans sa préface, de " conduire ses recherches académiques sans perdre de vue les applications concrètes " de son objet d'étude et d'offrir, en fin de compte, une "
véritable thèse " qui met parfaitement en lumière le nouvel instrument de coopération pénale européenne qu'est le mandat d'arrêt européen " dans une logique d'analyse d'une politique
pénale européenne en émergence ".
En tout, quatre
axes de recherche ont été retenus par l'auteur : le principe de la reconnaissance mutuelle ; la
résistance des Etats membres attachés à leur " souveraineté pénale " ; la place des droits fondamentaux et la question de la protection juridictionnelle de ces derniers.
Etant donné que la souveraineté étatique et la protection des droits fondamentaux apparaissent comme les deux difficultés majeures posées par le et au mandat d'arrêt
européen, ces deux thèmes nourrissent les deux parties de l'ouvrage.
Dans la première, consacrée à " la coopération judiciaire face à la souveraineté étatique ", Sophie Bot analyse tout d'abord le principe de la reconnaissance mutuelle, " pierre angulaire de l'Espace de liberté, de sécurité et
de justice ", dont le mandat d'arrêt européen aura été la première mise en oeuvre concrète dans le domaine pénal en remplaçant la décision politique qu'était l'extradition par une décision
judiciaire. Elle s'intéresse, dans la foulée, à " la résurgence des souverainetés étatiques ", certains Etats membres ayant mécontenté la Commission pour avoir pris des libertés ave
l'esprit de la décision-cadre lors de sa transposition. L'auteur n'en reste pas moins optimiste quant à la volonté des autorités judiciaires de coopérer et de bien utiliser le mandat d'arrêt
européen, même si, observe le Pf. Gerkrath, c'est " sans doute vrai des autorités françaises ou bleges, mais l'est moins en Irlande ou au Royeaum-Uni où les autorités judiciaires demandent
beaucoup d'informations complémentaires avant de se plier à l'exécution du mandat ". Un chapitre est ensuite consacré à la manière dont le mandat d'arrêt européen est soumis à l'épreuve du
contrôle des juridictions suprêmes nationales et de la Cour de justice, ce qui introduit tout naturellement la deuxième partie du livre où la coopération judiciaire est envisagée " à
l'épreuve des droits fondamentaux ", tant il est vrai, souligne le préfacier, qu'il "" faut prendre garde à ce que le mandat d'arrêt européen ne soit pas liberticide ".
Au terme de cette investigation scientifique aussi rigoureuse qu'exhaustive, Sophie Bot ouvre sa conclusion générale en affirmant que " l'adoption et
la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen ont donné à l'espace pénal européen une consistance réelle et une réalité quotidienne concrète " et que le principe de reconnaissance mutuelle,
emprunté au droit du Marché intérieur, mérite " pleinement son qualificatif de 'pierre angulaire' de l'Espace de liberté, de sécurité et de justice ", les juges nationaux - qui "
sont les juges de l'Union de droit commun " - oeuvrant afin que se développe progressivement une " culture judiciaire commune ". Elle souligne également que le mandat d'arrêt
européen " se révèle être un instrument particulièrement protecteur des droits fondamentaux de la personne concernée ".
Toutefois, en même temps, certains Etats rechignent et ... se saisissent des droits fondamentaux comme du " dernier rempart face aux assuats
intégrationnistes du droit de l'Union ". Que la Cour de justice ait été priée de ne pas se mêler de la coopération en matière pénale en est un indice supplémentaire, ce que le Traité de
Lisbonne corrigera, mais pas suffisamment encore. Dans le même esprit, en supprimant la structure en piliers de l'Union, le Traité suspendu au bon vouloir des Irlandais aura eu pour effet
méritoire que la question de la compétence de la Communauté en matière pénale ne se posera plus, sans compter que les prises de décision à la majorité qualifiée deviendront la régle au sein de
l'Espace de liberté, de sécurité et de justice . La règle ... à quelques exceptions près : lorsqu'il sera question de créer un Parquet européen à partir d'Eurojust, la Conseil aura à
statuer à l'unanimité, avexc les risques de blocage qui en découlent.
Voilà qui désole l'auteur tant il est vrai que, pour Sophie Bot, " la mise en place d'un Parquet européen coordonnant l'action "d'acteurs tels
qu'Europol, Eurojust, l'Office de lutte anti-fraude ou les équipes d'enquête communes, " mais dirigeant également les enquêtes menées sur le territoire des Etats membres, et poursuivant les
auteurs présumés des infractions européennes, constitue une étape indispensable afin de rendre l'action en matière pénale de l'Union efficace et cohérente ".
En conclusion, un travail scientifique résolument engagé en faveur de plus d'Europe !
Le mandat d'arrêt européen. Editions Larcier - Collection " Faculté de Droit, d'Economie et de Finance de l'Université de Luxembourg " (Groupe De Boeck, 39 rue
des Minimes, B-1000 Bruxelles - Courriel : commande@deboeckservices.com - Internet : www.larcier.com)
NB : le lecteur pourra également consulter sur ce sujet ainsi que dans son environnement problématique d'autres articles de ce blog tels que, notamment :
* L'Union européenne face à ses responsabilités politiques à l'intérieur de ses frontières : le point de vue d'un citoyen
(1) et L'Union européenne face à ses responsabilités politiques à l'intérieur de ses frontières : le point de vue d'un
citoyen (2) ;
ainsi que :
* Le traité de Lisbonne : un traité imparfait qui fera néanmoins progresser l'Union politique sur les registres de la défense
des libertés et de la sécurité (1) et Le traité de Lisbonne : un traité imparfait qui fera néanmoins progresser l'Union
politique sur les registres de la défense des libertés et de la sécurité (2) .