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Publié par Jean Poche

La Commission européenne a décidé, mardi 15 novembre, de différer le débat sur l'encadrement des agences de notation. Elle a reporté sine die le vote sur une proposition qui consistait à suspendre temporairement la notation souveraine des pays ayant requis une aide internationale ou dont la notation accentue l'instabilité des marchés. Une mesure pourtant jugée par certains comme prioritaire, notamment par son rédacteur, Michel Barnier. Le commissaire européen au marché intérieur avait déjà dû renoncer à proposer la création d'une agence européenne de notation, qu'il appelait pourtant de ses vœux depuis deux ans.

Le désaveu est cuisant. Le rapporteur du texte sur les agences de notation au Parlement européen, le socialiste italien Leonardo Domenici, a jugé que la proposition présentée par M. Barnier était "dépourvue de certains éléments importants par rapport à ce qui était anticipé, et en deçà des attentes". Le fait qu'un long débat ait eu lieu au sein de la Commission sur le sujet "est de mauvais augure pour une législation de cette importance", a-t-il dit.

UN PROJET JUGÉ CONTRE-PRODUCTIF

L'idée était d'éviter que ne se reproduise ce qui s'est passé notamment avec la Grèce, dont la note avait été dégradée par une agence de notation au moment même où ses partenaires européens étaient en train de mettre au point un plan de sauvetage. Selon une source européenne, "une dizaine de commissaires", dont "d'autres commissaires économiques", se sont opposés à cette mesure car ils considéraient que la suspension de la notation de certains pays serait contre-productive et enverrait un signal négatif aux marchés.

Mercredi 16 novembre, le projet de régulation et contrôle des agences de notation a été vivement critiqué par un homme influent : le patron de Moody's, Michel Madelain. Selon lui, le texte "contredit" l'objectif affiché de "stabiliser les marchés" car il craint "que ces mesures ne portent atteinte à la qualité et l'indépendance des notations et renforcent encore la volatilité des marchés." Ce nouveau règlement est le troisième en un an.

Le patron de Moody's s'oppose notamment à l'obligation pour les entreprises qui émettent des produits financiers de changer d'agence tous les trois ans. Tenter de contrôler les méthodes de notation pourrait donner l'impression que "les opinions des agences de notation sur les obligations européennes sont les opinions des autorités européennes de régulation", a-t-il ajouté. Moody's, et les deux grandes autres agences de notation que sont Standard & Poor's et Fitch, contrôlent 90 % du secteur.

UN PRINCIPE ARRIVÉ À POINT NOMMÉ

La nouvelle réglementation, tant critiquée par Moody's, cherche précisément à réduire la dépendance des institutions financières face aux notes de Standard & Poor's, Moody's et Fitch Ratings. Selon les vœux de la Commission, il s'agit notamment d'obliger les investisseurs à mener leur propres évaluations, de constituer un index européen des notations (Eurix) et de forcer à une rotation de ces notations ou à une prise en compte simultanée de plusieurs notes afin d'éviter toute décision automatique d'investissement lorsqu'une note est abaissée. Dans le cas d'un pays, les notations deviendraient plus régulières, leur méthodologie serait détaillée et leur publication interviendrait obligatoirement en dehors de l'heure d'ouverture des marchés.

Le principe de nouvelles règles contraignantes pour les agences de notation arrivait pourtant à point nommé. Il intervient en effet quelques jours après l'erreur de Standard & Poor's sur le AAA français et au moment où les taux des emprunts d'Etat italiens et espagnols sont remontés, mardi, à des niveaux très élevés, les marchés restant défiants face à la robustesse de l'économie européenne et la capacité des Européens à venir à bout de la crise.


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