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Publié par ERASME

La crise économique de la zone euro est une crise systémique et politique. Certains philosophes parlent même d'une crise de civilisation, tant elle fait vaciller l'Europe sur ses fondations.

Après la génération du Mur (de Berlin), celle des tours (du 11-Septembre), la génération des bulles (financières) crie son indignation et clame sa colère, d'Athènes à Madrid, de Londres à Bruxelles. Des intellectuels, comme le sociologue britannique d'origine polonaise Zygmunt Bauman, parlent du triste destin d'un rêve européen transformé en cauchemar : non pas celui d'une mort, mais d'une irrémédiable "vie à crédit".

Pour le philosophe allemand Peter Sloterdijk, "nous sommes entrés dans une époque où la capacité du crédit d'ouvrir un avenir tenable est de plus en plus bloquée, parce qu'aujourd'hui on prend des crédits pour rembourser d'autres crédits. Autrement dit, le "créditisme" est entré dans une crise finale. On a accumulé tant de dettes que la promesse du remboursement sur laquelle repose le sérieux de notre construction du monde ne peut pas être tenue."

Sale temps pour l'Europe. Empêtrée dans une crise économique endémique, elle voit l'un de ses plus grands écrivains s'emporter avec drôlerie, avec férocité et avec ironie aussi contre son ubuesque bureaucratie. Dans Le Doux Monstre de Bruxelles (Gallimard, en librairie le 27 octobre), l'essayiste allemand Hans Magnus Enzensberger explique que l'Europe est mise sous tutelle par la Commission européenne, qui exerce un véritable "déni de démocratie".

Aujourd'hui, nous dit-il, l'Union ne fait plus la force. Mais la contrainte et l'absurdité. C'est pour ces raisons que nos représentants de Bruxelles ne sont pas aimés. Regardez le traité de Lisbonne, cette pseudo-Constitution qui sert de base à l'Union, s'exclame-t-il : il place le citoyen européen le mieux disposé devant d'insurmontables difficultés de lecture : "On dirait un barrage de barbelés !" Ainsi l'euro a-t-il été conçu dans les coulisses comme une "abstraction" sans véritable consultation. Le plus grave dans l'Europe actuelle, explique Enzensberger, c'est donc le déni de démocratie. Car, dans l'Union, la séparation des pouvoirs, chère à Montesquieu, est "abolie" : le Parlement européen est certes élu, mais c'est la Commission européenne, c'est-à-dire une institution non élue, qui a principalement l'initiative des lois. Ainsi la triade Parlement-Conseil-Commission fait-elle disparaître selon lui ce que nous entendions autrefois par démocratie.

Jürgen Habermas, l'un des plus grands philosophes allemands, craint également que l'Europe n'entre dans une ère "post-démocratique". Dans le texte inédit que nous publions, le chef de file de l'école de Francfort redoute qu'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ne concluent un compromis entre le "libéralisme économique allemand" et "l'étatisme français" au détriment de la légitimité démocratique : les gouvernements des différents Etats européens, et non pas les représentants des citoyens européens, décideraient, à la place de ces derniers, des attributions des budgets nationaux par le Conseil de l'Europe. Le risque de court-circuit de la démocratie est grand.

Mais c'est de surcroît l'idéal européen qui serait affecté : "Les chefs de gouvernement transformeraient de la sorte le projet européen en son contraire : la première communauté supranationale démocratiquement légalisée deviendrait l'organe d'une domination post-démocratique." D'où son appel aux élites européennes à "se retrousser les manches". Et à se hâter de rendre l'Europe enfin plus populaire.

 

Voir également :

 * Appel en faveur d'un nouveau pacte politique et démocratique en Europe ! - première partie -

 * Appel en faveur d'un nouveau pacte politique et démocratique en Europe ! - deuxième partie -

 * Appel en faveur d'un nouveau pacte politique et démocratique en Europe ! - troisième partie -

 

 

 

 

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