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Publié par ERASME

Pour la première partie de ce discours : Les voeux du Président de la République aux partenaires sociaux (Palais de l'Elysée - 6 janvier 2011) - première partie -

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Certains disent que le dialogue social n'est plus possible et que les réformes dans le champ social vont s'interrompre. Je m'attacherai à leur montrer qu'ils ont tort. Nous avons seize mois pour apporter des réponses essentielles dans l'intérêt des Français. L'année 2010 a été chargée, 2011 sera probablement aussi dense, tant sont importantes les attentes de nos concitoyens et les défis à relever.

  

Dans le champ de l'emploi :

Les créations d'emplois ont repris : la France a créé 110.000 emplois sur les trois premiers trimestres de 2010. Mais nous le savons, tout le monde ne bénéficie pas de la même façon de la reprise. Rien ne saurait être pire que d'avoir des personnes durablement exclues du marché du travail. C'est une perte de compétences, c'est une perte de savoir-faire, c'est un drame personnel. Et c'est pour cela que la question d'un noyau dur de chômeurs, d'un noyau incompressible, est une question essentielle.

Vous avez souhaité sur ce sujet ouvrir un nouveau cycle de négociations, je m'en réjouis, car il nous faut des solutions innovantes. Je pense à 2 sujets en particulier où j'attends beaucoup de vos réflexions et contributions.

L'emploi des séniors. Depuis 3 ans, beaucoup a été fait. Nous nous sommes battus pour changer les mentalités et les pratiques : nous avons mis fin aux préretraites publiques, nous avons supprimé la dispense de recherche d'emploi, nous avons autorisé le cumul emploi-retraite, nous avons mis en place un dispositif d'aide à l'embauche pour les demandeurs d'emploi de plus de 55 ans. Cela a marché : le taux d'emploi des 55-59 ans a augmenté de 4 points depuis 2007, le taux d'emploi des 55-59 ans atteint désormais 60%, soit la moyenne européenne.Ca fait bien longtemps que l'on attendait cela. Concrètement, cela signifie que 300.000 séniors supplémentaires ont un emploi. Mais ce n'est pas suffisant à mes yeux. Nous devons aller plus loin, et cela passe par une nouvelle organisation des conditions de travail dans l'entreprise, une nouvelle organisation de la gestion des ressources humaines. Ce sont des champs qui relèvent naturellement de la négociation entre représentants des salariés et des employeurs. J'espère que vous accepterez de vous investir fortement.

Autre sujet, la nouvelle convention d'assurance chômage. C'est une composante essentielle de notre sécurité sociale professionnelle, puisqu'il s'agit d'assurer au salarié qui a perdu son emploi un certain niveau d'indemnisation pendant sa recherche d'emploi. La négociation qui va s'ouvrir pourrait nous permettre d'aller plus loin, il me semble, dans deux directions. Tout d'abord, en faisant en sorte d'être plus efficaces en termes de retour à l'emploi. Ensuite, en cherchant la mise en place d'un dispositif si possible unique d'accompagnement des salariés licenciés économiques, qui se substituerait aux actuels CTP et CRP, et qui garantirait aux salariés un niveau de rémunération sécurisant et un accompagnement renforcé vers le retour à l'emploi.

Je pense qu'il est possible de dire aux salariés qu'il n'y aura plus personne au chômage après un licenciement économique si nous sommes capables ensemble de définir un dispositif unique sur la totalité du territoire français pour les indemniser et leur proposer, en échange de cette indemnisation, une formation ou l'acceptation d'un emploi. On a testé, on a multiplié les bassins d'emploi sur le CTP. Et ca marche. Rien n'est pire que quelqu'un se retrouve dehors, alors qu'il n'y est pour rien, abandonné chez lui alors qu'il n'a qu'une seule envie : celle de travailler et faire vivre sa famille.

Permettez-moi dans ce cadre de saluer la mobilisation des agents de Pôle emploi qui ont été professionnels, qui ont été dévoués dans un contexte extrêmement difficile. Je ne prétends pas que tout soit parfait. Mais, ici encore, qui réclame le retour à l'ancien système, ANPE d'un côté, ASSEDIC de l'autre ? Qui le fera ? Je suis très conscient de toutes les faiblesses. Mais je veux souligner que les 40 000 personnes qui ont travaillé à Pôle Emploi dans la crise, qui ont accepté d'apprendre un nouveau métier, sont dignes de la reconnaissance de la communauté nationale. Et je n'entends personne qui ose dire aujourd'hui qu'il faudrait revenir l'ancien système où il y avait d'un côté une administration pour indemniser et de l'autre, une administration pour placer. Le ministre sera évidemment attentif aux propositions que vous ferez, mais là aussi, c'est une réforme sur laquelle, je suis persuadé, personne ne reviendra.

Enfin, je souhaite qu'en 2011 nous mettions la priorité sur l'emploi des jeunes. La crise ne peut pas servir d'alibi et il faut reconnaître avec honnêteté que la France a un problème structurel d'accès à l'emploi des jeunes, qui suscite une grande inquiétude.

Je pense qu'il faut faire preuve de pragmatisme : je ne crois pas au énième plan miracle, je pense qu'il faut s'appuyer sur des outils qui ont fait la preuve de leur efficacité. Certes, il y a une spécificité française que je souhaite abandonner. Cette spécificité française, c'est qu'il y a un tiers des jeunes de 16-20 ans qui passent par l'alternance en France, contre deux tiers en Allemagne. Donc, il y a moins de jeunes au chômage en Allemagne. Il n'y a pas besoin d'inventer un nouveau plan, il faut s'inspirer de ce qui marche chez les autres. Il faut qu'il y ait les deux tiers des jeunes français qui passent par l'alternance. Et pour cela tous les efforts qui seront faits, Monsieur le Ministre, Madame la Ministre, pour renforcer l'alternance, seront bienvenus.

Je fais confiance à Xavier BERTRAND et Nadine MORANO pour que ces sujets avancent très rapidement.

Pour terminer, je souhaiterais dire quelques mots sur un sujet qui fait depuis quelques jours l'objet de nombreuses interventions, celui des 35 heures.

D'abord, j'espère que vous ne me reprocherez pas, compte-tenu de tout ce que j'ai dit publiquement depuis de très nombreuses années, de dire que je suis heureux que les conséquences défavorables des 35 heures, sur la compétitivité des entreprises, sur le pouvoir d'achat des salariés, et sur les finances publiques, conséquences désastreuses soient aujourd'hui reconnues au sein de toutes les grandes familles politiques. Il a fallu dix ans. Je voudrais dire une deuxième chose. Depuis 2007, je rappelle que les 35 heures mises en place par Mme AUBRY, 35 heures obligatoires et rigides, ont disparu, puisque nous avons supprimé les obstacles aux heures supplémentaires pour les entreprises et pour les salariés, qui ont été 5,3 millions en 2010, malgré la crise, à bénéficier de l'exonération fiscale et sociale. Pour un ouvrier au salaire moyen qui fait deux heures supplémentaires par semaine, le gain net de pouvoir d'achat est de 150 euros par mois. Je ne sais pas comment on peut dire aux salariés qu'ils pourront gagner davantage sans travailler davantage. Et c'est toute l'affaire des heures supplémentaires.

Aujourd'hui les 35 heures, uniformes et obligatoires, n'existent plus. Pour autant, je considère qu'il n'est pas de sujets tabous. Et je le dis d'autant plus clairement que la crise a changé la donne. La question du coût du travail, la question de la compétitivité de nos entreprises sont de véritables questions que nous ne pouvons mettre de côté. Et si les partenaires sociaux ou les partis politiques ont des propositions à faire, bien évidemment le Gouvernement y sera attentif. Avec cependant une préoccupation : ne pas toucher au pouvoir d'achat des salariés, je ne l'accepterai pas. Et une deuxième préoccupation : ne pas peser sur la compétitivité de nos entreprises. Je n'ai pas été élu pour cela mais au contraire pour donner aux entreprises les moyens de se battre dans la compétition internationale.

Défi dans le champ de la fonction publique :

Enfin, je souhaiterais dire quelques mots sur la fonction publique devant les ministres concernés. La Fonction publique a engagé un mouvement de modernisation sans précédents depuis 1958. Tous les freins à la mobilité et au travail des fonctionnaires ont été levés. Leur rémunération reflète davantage leur mérite. Ils sont moins nombreux. J'assume ce choix et j'accepte les désaccords que nous pouvons avoir. Mais je ne sais pas comment on peut à la fois réduire les déficits et augmenter les dépenses publiques. Ils sont aussi mieux payés. La progression du pouvoir d'achat, y compris sur l'année 2009, a été de près de 3,5%.

Ce sont là des évolutions considérables. Je veux dire aux fonctionnaires qu'ils doivent êtres fiers de ce qu'ils ont accompli, du souci de l'intérêt général, du service des autres, de la cohésion nationale. Je pense que c'est une grave erreur de vouloir opposer le secteur privé au secteur public, qu'il y a de l'excellence dans le secteur public comme dans le secteur privé, qu'il y a du dévouement dans les deux cas.

Cette année nous tiendrons les engagements du "pacte de progrès" que j'ai proposé aux agents publics en 2007. Avec la rémunération au mérite, avec les fusions de corps, l'amélioration des conditions d'emploi des agents non titulaires, sujet que j'évoquais avec Georges TRON et François BAROUIN encore il y a quelques jours. L'État ne peut pas donner le mauvais exemple alors qu'il n'accepterait pas que des entreprises le fassent. Et nous continuerons à travailler pour le pouvoir d'achat des fonctionnaires.


Défi dans le champ du vieillissement avec la réforme de la dépendance :

Enfin, comme je m'y suis engagé, cette année sera celle du grand chantier de la prise en charge de la perte d'autonomie. Roselyne BACHELOT s'en occupe. Avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes dépendantes devrait augmenter entre 30 à 50% d'ici à 2040. Comme nous l'avons fait sur les retraites, je considère qu'il est de notre devoir d'anticiper cette évolution. La France n'est pas condamnée à devoir prendre les décisions toujours en catastrophe après les autres alors qu'il est quasiment trop tard. Je sais que c'est un défi absolument immense.

Comment faire en sorte que notre société puisse garantir à chacun qu'il sera accompagné, protégé et qu'il verra sa dignité respectée jusqu'à la fin de sa vie ?

Comment permettre aux personnes dépendantes de financer leurs besoins, que ce soit pour rester à domicile ou pour être accueillies en établissement ? Savez-vous qu'il y a aujourd'hui 20% des personnes dépendantes qui ont les moyens de payer une maison médicalisées, une maison de retraite ? Est-ce que l'on peut continuer comme cela ? C'est une question à poser.

Comment assurer une couverture équitable du territoire en termes de taux d'équipement et de conditions de traitement, comment former les personnels nécessaires alors qu'il existe des listes d'attente partout de gens qui attendent pour rentrer ?

Comment accompagner l'entourage si dévoué des personnes dépendantes, notamment les aidants familiaux qui consacrent souvent leurs jours et leurs nuits à s'occuper des malades dans une société où l'évolution du travail féminin est considérable. Qui peut dire aujourd'hui que si ses parents tombent dans la dépendance, il y aura quelqu'un dans la famille, dans la génération du dessous pour s'en occuper ? Et qui peut dire, compte tenu de la taille des appartements, que chacun aura la place pour accueillir son père ou sa mère dépendant ? Nous savons que cela arrive, personne ne peut en douter, les chiffres sont sur la table. Nous savons très exactement ce qui va se passer. Alors la question que je pose est la suivante : faisons-nous quelque chose ou ne faisons-nous rien ? Si on ne fait rien, ce sont nos successeurs qui devront le faire, sans aucune marge de manœuvre parce qu'ils subiront le choc. La stratégie que je vous propose c'est que nous anticipions le choc et que nous fassions quelque chose même si naturellement il y aura des décisions difficiles à prendre. Mais vous savez, sur mon bureau, les décisions qui ne sont pas difficiles ont été prises largement au niveau en dessous.

C'est un chantier qui sera conduit par le Premier ministre, par Roselyne BACHELOT et par Marie-Anne MONTCHAMP. Et je leur fait toute confiance. Roselyne BACHELOT a d'ailleurs déjà commencé les consultations.

J'ai souhaité que le nouveau CESE soit saisi de la problématique de la dépendance, je me rendrai prochainement à l'invitation de son président, Jean-Paul DELEVOYE.

Voilà Mesdames et Messieurs, comme d'habitude je vous ai parlé franchement. Mais je voudrais que vous sachiez en terminant ces propos que je respecte profondément l'engagement qui est le vôtre. Qu'il s'agisse des syndicats de salariés ou des organisations patronales. Vous êtes des gens engagés, et toute ma vie je me suis engagé. Et chacun dans votre domaine, vous êtes soumis à la critique, notamment à la critique de ceux qui ne s'engagent pas et qui trouvent toujours que ceux qui s'engagent ne l'ont pas fait suffisamment ou pas dans les bonnes conditions. Si cela avait été eux, ils l'auraient fait mieux.

Mais je veux souligner, en tant que président de la République, et quel que soit la profondeur de nos désaccords, l'image qu'a donné la France en 2010 : celle d'un pays qui, sans violence, grâce à l'esprit de responsabilité de chacun, a pu affronter un rendez-vous aussi important que celui des retraites. Chacun d'entre vous a participé au rayonnement de la France. Cette France qui était décrite comme incapable de se réformer. Cette France qui était décrite comme un pays violent avec tant de blocage. Grâce à vous, avec vous, quel que soit nos désaccords, nous avons montré qu'en 2010 on pouvait se parler, on pouvait assumer ses responsabilités lorsque l'on était au gouvernement de la France, et continuer l'année 2011 avec le souci d'être utile au pays.

Je vous remercie en vous adressant bien sûr mes vœux les plus sincères pour vos familles, pour vos proches, pour tous ceux que vous aimez.

Bonne année à tous.

 

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