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Publié par ERASME

La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), créée en 2000, veille au respect de la déontologie des services de sécurité publics et privés. Comme pour d'autres organismes indépendants institués par mon gouvernement, tels la commission du secret-défense ou le poste de défenseur des droits des enfants, l'objectif poursuivi alors fut l'affermissement dans notre pays du respect de l'Etat de droit et l'amélioration de la qualité de notre vie démocratique.

Depuis son installation fin 2001, la CNDS a joué un rôle très important reconnu et salué en France, mais aussi à l'étranger où il existe depuis longtemps des institutions similaires. La CNDS, par ses enquêtes mettant en évidence les dysfonctionnements des services de sécurité et certaines anomalies touchant au respect des libertés, est ainsi devenue un rouage essentiel de notre vie publique.

Ses recommandations et ses avis sont notamment à l'origine d'une prise de conscience des responsables politiques et de l'opinion des problèmes posés par les conditions de la garde à vue, les suicides en prison, l'interpellation et la détention des mineurs, l'usage du tonfa et du Taser, les fouilles corporelles, la rétention des étrangers. Certaines affaires portées à la connaissance du public ont largement défrayé la chronique et poussé à des réformes indispensables.

Comme l'atteste son dernier rapport du 19 mai 2009, jamais la CNDS, dont l'activité n'a cessé de croître, n'avait reçu autant de réclamations, preuve de son autorité grandissante chez nos concitoyens et de la confiance des parlementaires à l'origine de la plupart des saisines. A plusieurs reprises et encore récemment, la Cour européenne de justice ou le Comité des droits de l'homme de l'ONU se sont d'ailleurs fait l'écho des mêmes préoccupations que celles exprimées par la CNDS. L'utilité de cette dernière n'est donc plus à démontrer pour qui croit, comme moi, à la perfectibilité de notre République et que le renforcement de la sécurité en démocratie va toujours de pair avec une consolidation de la sécurité juridique.

Or, le gouvernement actuel, à l'occasion de l'instauration d'un défenseur des droits, a décidé la suppression de la CNDS ainsi que du poste de défenseur du droit des enfants dans des conditions qui font craindre, au-delà de leur disparition, la mise en cause de ce qui constituait leur mission.

La création d'un défenseur des droits, qui hérite principalement des fonctions exercées par le médiateur de la République, apparaît ainsi avoir été un simple prétexte pour supprimer deux organismes souvent critiques à l'égard des débordements de la politique sécuritaire du pouvoir en place.

La création d'un poste de défenseur des droits ne serait en effet pas autant critiquable si la définition de son rôle et de ses pouvoirs ne constituait pas une régression pour la protection des droits et libertés individuels. Or, le projet de loi organique sur les attributions du défenseur soumis au Parlement marque un important recul par rapport aux pouvoirs et aux garanties de la CNDS.

A la différence de la CNDS qui comportait des membres élus par le Parlement sur une base paritaire entre la majorité et l'opposition, des membres de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes plus des personnalités qualifiées cooptées (médecins, éducateurs, ex-commissaires de police...), le mode actuel de désignation ne garantit plus l'impartialité subjective et objective de l'institution.

L'absence de collégialité des prises de décision arrêtées par le défenseur des droits de façon personnelle amoindrira l'impartialité des avis et recommandations qu'il prendra.

En outre, les pouvoirs d'enquête du défenseur des droits se trouvent limités par rapport à ceux de la CNDS. Et parfois même de façon ubuesque ! Ainsi le projet de loi prévoit que les autorités mises en cause par une réclamation pourront interdire au défenseur des droits toute investigation sur place, en invoquant des motifs tenant à "la sécurité publique" ou "à des circonstances exceptionnelles". Il dispose que le secret de l'enquête, en cas de procédure judiciaire, pourra être opposé au défenseur, ce qui le privera de l'accès aux pièces du dossier.

Enfin, il indique que le défenseur n'a pas à motiver ses rejets. Voilà donc un contrôleur de la déontologie de la sécurité empêché de tous côtés de contrôler les services de sécurité et un défenseur des droits qui n'a pas à justifier en droit ses propres décisions.

Dans l'état actuel du projet, la loi organique entraîne donc des régressions inacceptables. Il est hautement souhaitable que la représentation nationale l'amende en profondeur.


Lionel Jospin est ancien premier ministre (1997-2002).

 

PS : Ce point de vue a été publié le 31 mai 2010 sur LeMonde.fr

 

Commentaires : On peut relever que cette indignation aurait pu se manifester également à la lecture du Traité de Lisbonne qui stipule dans le même ordre d'idées  que : " Dans l'exercice de ses attributions concernant les dispositions des chapitres 4 et 5 du titre V, de la troisième partie, relatives à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, la Cour de justice de l'Union européenne n'est pas compétente pour vérifier la validité ou la proportionnalité d'opérations menées par la police ou d'autres services répressifs dans un État membre, ni pour statuer sur l'exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure. " (Article 276 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne). Encore eût-il fallu prendre que celles et ceux qui, au sein du personnel politique, déplorent aujourd'hui de telles inflexions attentatoires aux libertés ainsi qu'aux principes mêmes d'un Etat de droit (cf. Qu’est-ce-que l’Etat de droit ?) aient pris le temps de lire le traité, notamment avant de le signer et de le ratifier, pour garantir aux citoyens au nom desquels ils s'expriment cette réssurance institutionnelle européenne qui aujourd'hui fait cruellement défaut, excepté la Cour européenne des droits de l'Homme dans la limite de ses compétences en pareilles matières !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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