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Publié par De la Boisserie

Le sommet UE-Russie qui s’est tenu le 7 décembre 2010 a permis de réaffirmer la volonté commune de l’UE et de la Russie de renforcer leurs relations de « partenaires stratégiques » et d’entériner plusieurs avancées obtenues au cours des semaines précédentes, notamment sur le sujet de l’accession de la Russie à l’OMC et de la libéralisation du régime de visas.

1. Le partenariat UE-Russie se fonde sur l’accord de partenariat et de coopération (APC), entré en vigueur en 1997 et qui devrait être remplacé par un accord de partenariat renforcé, dit « nouvel accord », en cours de négociation. Ce cadre juridique a été enrichi en 2005 par la définition d’un cadre politique reposant sur quatre espaces communs de coopération : « économie, commerce », « sécurité, liberté et justice », « sécurité extérieure », « éducation, recherche et culture ». Leur mise en œuvre n’a connu que peu de progrès ces dernières années.

2. Le sommet UE-Russie de Rostov (juin 2010) avait été dominé par l’adoption d’une déclaration commune de lancement du « partenariat pour la modernisation ». Ce document fait écho au discours modernisateur du président russe, se proposant d’utiliser l’expérience européenne pour diversifier son économie et rattraper son retard technologique. Ce partenariat est utile pour présenter les relations UE-Russie sous un jour positif et insister pour que la Russie réponde à nos multiples attentes en matière de commerce, d’énergie et d’Etat de droit. Ce concept a gagné en substance à l’occasion du sommet du 7 décembre, grâce à la diffusion d’un rapport de progrès et d’un programme de travail.

3. La Russie demande de longue date la suppression des visas de court séjour avec l’UE. Conformément aux orientations fixées par le Président de la République lors de la visite du président Medvedev le 1er mars 2010, la France s’est fortement investie au soutien de cet objectif, partagé par nos partenaires espagnols, finlandais et slovènes. Malgré la grande prudence, voire l’hostilité, de nombre d’Etats membres, nous avons obtenu que l’UE se déclare prête à se lancer dans un processus progressif et graduel, proposé par la Commission, d’élaboration d’une liste d’« étapes conjointes » destinée à lister les critères, garanties et mécanismes de vérification nécessaires pour avancer vers la suppression des visas de court séjour. Après l’avoir refusée de prime abord lors du sommet de Rostov, le président russe a marqué son accord avec cette approche par étapes vers la libéralisation du régime de visas de court séjour lors du sommet franco-germano-russe de Deauville (19 octobre dernier). Le dernier sommet UE-Russie a donné une impulsion politique au processus de définition par les experts de ces étapes conjointes en vue d’une finalisation du document si possible au premier semestre 2011 et d’une adoption d’ici le prochain sommet UE-Russie qui se tiendra en juin

4. Les négociations sur le « nouvel accord » UE-Russie, lancées en juin 2008, piétinent. En effet, nous souhaitons un accord global (intégrant un volet énergétique) et contraignant (reprise de l’acquis communautaire), alors que la Russie privilégie un accord-cadre succinct, centré sur les principes et complété ultérieurement par des accords sectoriels. Deux initiatives russes prises à l’été 2009 ont ralenti le rythme des négociations jusqu’à cet automne :

  - la mise en place par étapes de l’union douanière tripartite Russie-Biélorussie-Kazakhstan depuis le 1er janvier 2010 (date d’entrée en vigueur du tarif extérieur commun) qui risquait de compliquer les conditions de l’accession de la Russie à l’OMC, préalable à la conclusion du volet commercial du « nouvel accord ». Moscou a cependant réaffirmé depuis son objectif d’une accession séparée, ce qui a permis une réelle accélération des négociations techniques à Genève. Ainsi, les négociations bilatérales d’accession entre les Etats-Unis et la Russie se sont achevées le 1er octobre 2010 et un protocole d’accord entre l’UE et la Russie a été signé juste avant le sommet du 7 décembre. Ce compromis trouvé avec la partie russe sur plusieurs de nos irritants commerciaux bilatéraux (droits à l'exportation sur le bois, droits à l’exportation sur les matières premières, redevances sur le fret ferroviaire) met fin aux négociations bilatérales d’accession entre l’UE et la Russie. Pourtant, cet accord conclu sur un plan bilatéral avec la Russie n’englobe pas l’intégralité des irritants commerciaux (normes SPS, mesures anti-crise, procédures lourdes pour importer des boissons alcoolisées, régime d’investissements dans le secteur automobile, propriété intellectuelle, notamment, restent encore en suspens) dont certains, comme les mesures SPS, semblent pourtant relever de ce niveau. Il faudra donc veiller à ce que ces différends soient résolus avant la fin du processus. Une accession de la Russie fin 2011 ou début 2012 est désormais techniquement envisageable, sous réserve que Moscou trouve une solution à ses problèmes avec les autres Etats parties à l’OMC. La Russie a renvoyé au lendemain de son accession la levée des mesures problématiques et ne s’interdit pas, en outre, d’en adopter de nouvelles d’ici cette date.

  - le retrait russe du Traité sur la charte de l’énergie (TCE), qui rend incertaine la reprise des principes et normes du TCE dans l’accord, forte demande européenne. La Russie a néanmoins participé à la dernière conférence annuelle du Traité sur la Charte de l’Energie (24/11/2010). Elle a présenté son projet de Convention sur la sécurité énergétique qui sera discuté dans le cadre de la modernisation du TCE. Un groupe de travail Commission/Russie a également été mis en place afin d’examiner les conséquences de la mise en œuvre des dispositions du 3e paquet énergie, notamment sur l’accès des tiers et la séparation opérateurs-propriétaires des réseaux de transport.

5. Dans le domaine de la PSDC, la contribution de la Russie à l’opération EUFOR Tchad-RCA en 2008-2009 et la coordination des forces navales russes avec l’opération Atalante de lutte contre la piraterie au large de la Somalie sont considérées par les deux parties comme des expériences concluantes à renouveler, dans un cadre qui reste néanmoins à établir.

Jusqu’à présent, les demandes russes d’un mécanisme conjoint de décision et d’action sur des opérations conjointes et sur la participation de l’UE à ses opérations ont été jugées contraires au principe d’autonomie décisionnelle de l’UE. Le projet d’accord proposé par Moscou aboutirait en effet à mettre des personnels européens sous chaîne de commandement russe. Néanmoins, des consultations entre experts ont été relancées, début 2010, sur un accord-cadre de participation de la Russie aux opérations de gestion de crise de l’UE, souhaité par la France. Les discussions portent aussi sur l'élaboration d'un programme de travail PSDC-Russie et sur l'identification d'opérations de gestion de crises auxquelles la Russie pourrait participer.

La proposition du 5 juin 2010 de Mme Merkel et M. Medvedev de créer un « comité de politique et sécurité UE-Russie au niveau ministériel » entre la Haute représentante Mme Ashton et M. Lavrov, afin d’y discuter de sécurité européenne et d’éventuelles opérations conjointes de gestion des crises, nécessite encore une discussion approfondie au sein de l’UE. Elle correspond à une forte attente de la partie russe, insatisfaite des formats de dialogue existants. A notre sens, il suffirait de recentrer le contenu du Conseil de partenariat permanent UE-Russie sur les affaires étrangères sur les questions internationales et de sécurité. Ce conseil bisannuel, qui ne s’est pas réuni en 2010, est en effet devenu depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne un format de rencontre Haute représentante - ministre russe des Affaires étrangères.

Nombre d’Etats membres ont manifesté des réticences à la proposition russo-allemande, et ont souhaité que l’UE demande, comme préalable, des gestes concrets de la Russie sur le dossier transnistrien, qui constitueraient un test de sa volonté de coopération. Cette position a été rappelée à l’occasion des sommets de Deauville et de Bruxelles, qui n’ont cependant permis aucune avancée substantielle.

 

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