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Publié par ERASME

Alors que, à la faveur du cycle de crises graves qui affectent la stabilité financière, la performance de l'économie mondiale, désormais en récession, et du système bancaire international, et qui mettent en péril les grands équilibres des marchés monétaires et des échanges commerciaux, en même temps que les finances publiques de nombreux Etats (dont certains sont au bord de la cessation de paiement) ainsi que les processus de développement, et partant, la réalisation des objectifs du millénaire, ainsi que la sauvegarde des préférences collectives généralisées et des biens publics mondiaux , de très nombreux travaux sont engagés au niveau international autour du même objectif de modernisation des instruments de régulation multilatéraux, il est utile de prendre acte que certains esprits éclairés à la recherche d'une pensée et d'une action politiques à la hauteur des défis globaux n'ont pas attendu 2008 et 2009 pour formuler des propositions étayées en la matière.

Parmi eux, l'Ambassadeur Stéphane Hessel a saisi l'opportunité de la tribune qui lui était offerte dans l'édition de juillet 2003 du mensuel le Monde diplomatique pour plaider en faveur de la mise en place d'un Conseil de sécurité économique et social.

En voici la teneur !

" L'Organisation des Nations unies (ONU) représente un des grands acquis du XXe siècle. Elle est notamment devenue un instrument incontournable de gestion de problèmes de plus en plus divers. En effet, le multilatéralisme, c'est-à-dire le travail des nations les unes avec les autres, apparaît comme une nécessité compte tenu de la dimension mondiale de la plupart des enjeux. Croire qu'un unilatéralisme hégémonique serait concevable est une absurdité.

Par ailleurs, bien que les Etats disposent toujours des principaux leviers de décision, l'intergouvernemental ne constitue plus la seule dimension de la coopération internationale : des relations nouvelles s'établissent entre les instances gouvernementales et les acteurs non gouvernementaux. La souveraineté étatique se trouve de plus en plus limitée, non seulement par les forces économiques et financières qui imposent leurs contraintes, mais aussi, comme le montre l'essor du Forum social mondial de Porto Alegre, par le rôle croissant des organisations non gouvernementales (ONG) et des citoyens qui y militent. La charte des Nations unies a d'ailleurs été un précurseur : c'est notamment elle qui a créé le terme d'ONG, en attribuant à ces dernières un rôle consultatif dans l'organisation.

C'est donc aussi grâce au fonctionnement des Nations unies qu'ont émergé de nouvelles forces, notamment au cours de la dernière décennie du XXe siècle. En 1945, seules les organisations syndicales, quelques organisations de défense des droits humains, les organisations parlementaires étaient présentes sur la scène internationale... De plus en plus, d'autres types d'organisations apparaissent, et non plus seulement au Nord, mais aussi au Sud, notamment au Brésil ou en Afrique. Ce bouillonnement est là encore symbolisé par le Forum social mondial, qui, d'année en année, accroît son rayonnement, et qui tiendra sa prochaine réunion à Bombay en 2004.

Cependant, malgré cette vitalité, nous n'avons pas encore trouvé la manière de donner aux ONG un accès plus efficace aux instances gouvernementales elles-mêmes. Quel rôle pourrait jouer, par exemple, un Sénat mondial ou une association mondiale de citoyens ? Sur quels modes de représentativité pourrait-on se mettre d'accord ? Il s'agit là d'un problème important, car il est extrêmement difficile de faire surgir une vraie légitimité de la diversité de ces mouvements associatifs. Au moins, dès à présent, peut-on faire fructifier les apports de ces mouvements, de cette altermondialisation qui est celle du civisme, des valeurs morales et des droits humains.

Les droits fondamentaux occupent une place centrale dans le fonctionnement de l'ONU, qui devrait pouvoir en garantir véritablement la jouissance. Des structures comme la Commission des droits de l'homme et le Haut-Commissariat pour les droits de l'homme existent déjà, qui permettent de faire pression sur des pays qui violent les droits humains. Mais, au-delà, l'efficacité des Nations unies doit être améliorée. Comment ? En donnant des « dents » aux conventions et pactes internationaux (sur les libertés, sur l'environnement ou la santé...). Comment, par exemple, imaginer, au niveau mondial, une instance aussi performante que le Conseil de l'Europe, dont la Cour européenne des droits de l'homme sanctionne les atteintes aux droits fondamentaux (La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, adoptée en 1951, garantit les droits civils et politiques. La Cour européenne des droits de l’homme, installée à Strasbourg, peut être saisie par les citoyens, qui peuvent ainsi faire condamner leur gouvernement.) ? Car, à la différence de ce qui se passe en Europe, il n'existe pas au niveau international un même degré de valeurs démocratiques communes ni de principes communs de gouvernement qui légitimerait la mise en place d'une telle instance. Et puis comment traîner devant une cour - pour non-respect des normes de santé, de logement ou d'éducation, par exemple - un pays pauvre comme le Pérou ou les Fidji ?

Il faut donc travailler à la construction progressive d'une conscience commune au niveau mondial et donner une force exécutoire à la Charte de l'ONU. Son Préambule fixe des objectifs larges à l'organisation : la paix et la sécurité, le développement des relations amicales entre les nations sur la base de sujets de droit égaux et de l'autodétermination des peuples, la coopération internationale en vue de résoudre les problèmes de caractère économique, social et humain. D'où la création des organes spécialisés qui couvrent tous les domaines et qui ont vocation globale à agir pour le bien de l'humanité.

Un manque de volonté politique

On peut donc dire que les instances existent, les procédures existent, et que c'est la volonté politique qui manque. Il n'existe pas, par exemple, au niveau mondial, d'instance semblable à la Commission européenne qui disposerait de ressources propres, et qui pourrait donc imposer des actions communes. Même le Conseil de sécurité - qui est d'ailleurs la seule instance non démocratique de l'ONU, puisque les cinq membres permanents y sont en position de force - dépend des moyens que lui fournissent les gouvernements pour agir. Là où il existe un accord des Etats sur des objectifs communs, les choses évoluent, même si cela se révèle plus compliqué à 191 qu'à 15 ou à 25 ! Cela n'est donc pas impossible. La création de la Cour pénale internationale (CPI), mise en place en mars 2003, montre que les Etats peuvent décider de lutter contre des périls définis en commun et accepter, en conséquence, de limiter ou d'abandonner leur souveraineté.

La reconnaissance de ce qui est inacceptable peut être élargie au-delà des droits de l'homme. La création de l'Onusida l'illustre, même si elle a sans doute été permise par l'absence d'intérêts conflictuels en jeu. En revanche, comment se mettre d'accord sur le commerce équitable, par exemple ? L'Organisation mondiale du commerce (OMC) défend, en fait, les intérêts des grands groupes commerciaux. Car, si la lutte contre la pauvreté figure parmi les chantiers implicites de l'OMC, la capacité de négociation et de coercition joue au profit des défenseurs du libéralisme tel que l'implique le fameux « consensus de Washington ». Dans les rencontres du Fonds monétaire international ou de la Banque mondiale, les ministres ont davantage envie de protéger leurs équilibres budgétaires que d'aider les pauvres.

Les promesses et les actes

Il manque aux Nations unies une instance de très haut niveau - à l'image du Conseil du sécurité - qui donnerait une impulsion et une cohérence à l'ensemble des institutions économiques, financières et culturelles existantes. L'action de l'ONU face aux défis auxquels nous sommes confrontés (pauvreté, les grandes pandémies, la pollution, la marchandisation des biens publics...) montre ses limites. Elle a organisé, dans les années 1990, de grandes conférences sur la santé, les droits des femmes, la lutte contre la pauvreté, les enjeux démographiques, les droits de l'homme et fait adopter de beaux textes. Mais où en est leur mise en oeuvre ?

Instaurer une instance coordinatrice de haut niveau pourrait permettre de renverser la hiérarchie actuelle des textes internationaux. Il s'agirait d'un Conseil de sécurité économique et social qui aurait la même capacité de décision que le Conseil de sécurité actuel. Cet organe serait comme un G8 élargi regroupant les grands pays du Nord et du Sud ainsi que les pays ayant la population la plus nombreuse. Il serait accompagné d'un secrétariat général qui fonctionnerait comme un procureur signalant les décalages entre les promesses et les actes. Son rôle serait d'inciter enfin au respect des normes fixées et de veiller à l'application des programmes d'action. "

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