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Publié par Patrice Cardot

Malgré les difficultés occasionnées par la crise institutionnelle actuelle, la Communauté Européenne (CE) comme l’Union européenne (UE) s’emploient à apporter une contribution significative à l’élaboration des réponses collectives aux grandes questions mondiales et transrégionales ayant une incidence potentiellement déstabilisante, en raison des dimensions et des effets de l’action à développer en matière d’« alerte rapide », de « prévention », de « préparation » et de « réaction » (le sens à donner à ces notions est celui proposé à l’article 3 de la décision du Conseil qui institue un instrument financier pour la protection civile - (voir infra -), et ce, conformément aux préconisations inscrites dans la Communication du Président Barroso définissant les objectifs stratégiques 2005 – 2009 pour la CE (cf. COM(2005) 12 final en date du 26.1.05, intitulée : Objectifs stratégiques 2005 - 2009 / Europe 2010  : un partenariat pour le renouveau européen - Prospérité, solidarité – sécurité), ainsi que dans celle de la Commission au Conseil européen de juin 2006 intitulée « Europe in the world – some practical proposals for greater coherence, effectiveness and visibility » (cf. COM(2006) 278 final en date du 08.6.06).
Leurs initiatives en la matière témoignent de l’émergence en Europe d’un socle de convergences et de solidarités européenne nouvelles autour de la nécessité d’appréhender la stabilité selon une perspective globale où Etat de droit, bonne gouvernance, développement économique et humain et sécurité font système, dans le contexte nouveau d’une globalisation stratégique qui met en synergie l’ensemble des défis attachés à la globalisation et à la dématérialisation accélérée de l’économie de marché, d’une part, ceux attachés à une recomposition stratégique profondément perturbatrice pour les grands équilibres, d’autre part, et enfin, les nouveaux défis sécuritaires .

Pour autant, les réponses apportées à ce jour sont essentiellement de nature instrumentale et programmatique comme en témoigne l’institution par la CE d’un instrument financier pour la protection civile ainsi que d’un instrument de stabilité.

L’instrument de stabilité récemment institué par la CE (cf. le règlement CE  n° 1717/2006 du Parlement européen et du Conseil adopté le 15 novembre 2006 - http://ec.europa.eu/europeaid/where/worldwide/stability-instrument/details_fr.htm - ou encore http://europa.eu/legislation_summaries/external_relations/relations_with_third_countries/asia/l14171_fr.htm) permet à cette dernière de développer, dans le cadre des compétences respectives de ses institutions, de nouvelles garanties de sécurité indispensables à la stabilité de ses partenaires, que ce soit à son voisinage ou plus loin dans la profondeur stratégique, autour des objectifs suivants :

  a) dans une situation de crise ou de crise émergente, contribuer à la stabilité en prévoyant une réaction efficace pour aider à préserver, établir ou restaurer les conditions essentielles pour permettre la mise en œuvre effective des politiques de développement et de coopération de la Communauté  - http://ec.europa.eu/europeaid/where/worldwide/stability-instrument/short-term_fr.htm - ;

  b) dans le cadre de conditions stables permettant la mise en œuvre des politiques de coopération de la Communauté dans les pays tiers, contribuer à créer les capacités afin de faire face aux menaces mondiales et transrégionales spécifiques qui ont un effet déstabilisateur et d’assurer la préparation pour aborder les situations d’avant-crise et d’après-crise - http://ec.europa.eu/europeaid/where/worldwide/stability-instrument/long-term_fr.htm -.
Doté d’un budget de près de 3 milliards d’€ pour la période 2007-2013, il constitue une base légale qui autorise de jure la CE à prendre des mesures de coopération au développement ainsi que des mesures de coopération financière, économique et technique avec les pays tiers particulièrement structurantes en matière de réforme du secteur de la sécurité des pays bénéficiaires de l’assistance. Couplé aux autres instruments pertinents de l’aide communautaire, et activé en cohérence avec les actions des organisations et organismes internationaux compétents en pareilles matières, cet instrument offre une très bonne illustration de ce que la CE peut proposer comme assistance structurée et concertée à ses partenaires des Balkans, du Caucase, de l’Asie centrale, de la Méditerranée, du Moyen Orient, ou des zones ACP et ASEAN dès lors que se trouveraient en proie à des risques majeurs pour leur stabilité .

Il est à noter que ce règlement en abroge 7 autres parmi lesquels figurent le règlement CE relatif au soutien à la Mission intérimaire des Nations Unies pour le Kosovo (MINUK) et à l’Office du haut représentant en Bosnie-et-Herzégovine (OHR) (à l’exception de son article 1 bis), le règlement portant création d’un mécanisme de réaction rapide, et celui relatif à des actions de réhabilitation et de reconstruction en faveur des pays en développement
.
Destiné « à soutenir et à compléter les efforts déployés par les Etats membres pour protéger principalement les personnes, mais aussi l’environnement et les biens, y compris le patrimoine culturel, en cas de catastrophes naturelles ou causées par les activités humaines, d’actes terroristes ou d’accidents technologiques, radiologiques ou environnementaux, et à favoriser le renforcement de la coopération entre les Etats membres dans le domaine de la protection civile », l’instrument financier pour la protection civile propose un cadre financier pour la mise en œuvre de la clause de solidarité objet de la déclaration politique du Conseil européen sur le terrorisme en date du 25 mars 2004, et qui figure également dans le nouveau projet de traité (articles I-43 et III-329) (cf la 
la décision du Conseil 2007/162/CE, Euratom en date du 5 mars 2007). Son champ géographique d’application, s’il couvre en priorité le territoire de l’Union, n’est pour autant pas limité à ce seul espace intérieur.
L’institution de ces deux nouveaux instruments communautaires soulève la question des conditions à satisfaire pour décider de leur usage effectif, notamment dans le contexte d’une situation de crise ou d’une crise émergente. Si conditionner le déclenchement de la mise en œuvre opérationnelle de tels instruments à l’existence de résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies constitue indubitablement une condition nécessaire, constitue-t-il pour autant une garantie suffisante pour le succès de telles entreprises ?

Si la CE a bien compris que la mise en œuvre de programmes d’aide en temps de crise et d’instabilité politique requiert des mesures spécifiques garantissant la flexibilité dans la prise de décision et l’allocation de crédits, ainsi que des mesures renforcées pour assurer la cohérence avec l’aide bilatérale et les mécanismes de mise en commun des fonds des donateurs, elle n’ignore pas que l’objectif visé (la stabilité politique, la protection) exige bien autre chose qu’une réponse de nature financière ; elle doit être conduite dans le cadre spécifique d’une coopération au développement adaptées aux stratégies, institutions et structures des pays partenaires, sans préjudice des mesures adoptées par l’UE dans le cadre du titre V – PESC – et du titre VI du traité sur l’UE (cf. l’article premier, par. 3, du règlement instituant un instrument de stabilité).

Comment la CE et/ou l’UE peuvent-elles agir au service de leurs objectifs avec l’efficacité attendue, en préservant leurs intérêts essentiels autant que ceux de leurs membres, sans disposer ni des éléments institutionnels (disparition des piliers, présidence permanente du Conseil, coopérations renforcées et structurées, double casquette du responsable de la politique étrangère, …) ni des éléments politiques (politique couvrant les aspects internes, externes et globaux de la sécurité, budget commun) sans lesquels il est impossible d’embrasser de manière systémique l’ensemble des dimensions pertinentes pour un traitement global des défis posés à la stabilité (Etat de droit, développement, sécurité, …, prise en compte autant que nécessaire des intérêts et stratégies des partenaires) ?

Dans son rapport d'information parlementaire relatif à l'influence européenne au sein du système international, Mme Nicole Ameline observe qu' "au-delà de la coopération en matière de gestion des crises, le partenariat entre les Nations Unies et l'Union européenne est en train de se développer sur les questions de sécurité au sens large, en amont des crises comme en aval. En amont, il s'agit de la formation de personnels déployés dans les OMP des Nations unies, et du renforcement des capacités africaines de gestion des crises. En aval, il s'agit de la réforme des systèmes de sécurité, du processus « désarmement, démobilisation et réinsertion », et de l'appui à la Commission de consolidation de la paix des Nations Unies, notamment. L'Union européenne dispose d'une large gamme d'instruments, dans le cadre du premier comme du deuxième pilier. Sur ce dernier point, on peut citer, dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense, les missions de police, de justice, de soutien aux administrations civiles et de renforcement de l'État de droit. Cette gamme d'instruments peut être mobilisée en appui des Nations unies. Mais ce partenariat peut être renforcé.".
En outre, elle formule les interrogations suivantes : " Sur quels théâtres d'opération les Nations Unies et l'Union européenne peuvent-elles mieux agir ensemble et selon quelles modalités concrètes ? Quels sont les nouveaux domaines de coopération envisageables ? Comment l'UE pourrait-elle mieux affirmer à l'ONU les concepts qui lui sont chers, telle la « responsabilité de protéger », et mieux les faire partager ?"

La nature des liens qui unissent l'Europe et son voisinage ainsi que l'Afrique désigne très naturellement ces régions comme les théâtres à la fois légitimes et naturels du développement d'une nouvelle forme de coopération entre l'Union européenne et les différents organes du système des Nations Unies impliqués dans la recherche d'une solution à la fois globale, " équitable " et " durable" aux conflits et aux crises qui s'y développent ; une coopération globale qui doit permettre d'assurer une gouvernance hybride des politiques et des instruments mis par la communauté internationale au service des objectifs de paix, de stabilité, de sécurité, de reconstruction et développement, en cohérence avec les objectifs que l'Union européenne a assignés à ses politiques de voisinage et de partenariat dans ces régions.

 

 

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