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Publié par Patrice Cardot

Le présent article est le second élément d'un dossier en deux parties sur la nécessité de faire émerger en Europe une Union politique et citoyenne autonome, sauf à accepter que le projet politique porté par le processus de construction européenne depuis la fin de la 2ème guerre mondiale s'avanouisse dans les brouillards des aléas de l'Histoire. (pour la première partie, voir L'avenir du projet européen passe par le développement d'une Union politique et citoyenne autonome (1) - nouvelle édition -). Il présente les premières recommandations relatives aux finalités qui devraient être attachées à l'instauration de l'Union politique et citoyenne (UPC).

Afin que l'instauration de l'UPC permette effectivement :

  - de fixer un cap politique et stratégique propre à l'Union sur le registre de la Sécurité,

  - et d'accroître la légitimité démocratique, l'effectivité et l'efficacité des politiques qui concourent à la poursuite de ce cap, en élaborant une politique de Sécurité comme « policy mix for security mix », afin d'apporter des réponses européennes aussi solidaires qu'efficaces aux attentes des citoyens de l'Union en regard des nouveaux défis posés à la Paix, à la Sécurité et à la Stabilité à l'intérieur comme à l'extérieur de ses frontières, en cohérence avec les politiques de Sécurité nationales de ses membres,

il apparaît souhaitable qu'elle favorise la juxtaposition (et l'articulation) de 4 dynamiques distinctes comportant chacune un volet interne (en regard d'intérêts communs de Sécurité vis-à-vis d'enjeux internes aux frontières de l'Union) et un volet externe (en regard d'intérêts communs de Sécurité vis-à-vis d'enjeux externes).

Une première dynamique, de nature et de portée horizontales, doit avoir pour objet :

  - la mise en place - puis, si nécessaire, dans une seconde étape, l'ajustement - du cadre d'analyse et d'ingénierie au sein duquel seront formulées non seulement les exigences politiques, institutionnelles, organisationnelles, budgétaires et démocratiques qu'emportent non seulement la mise en place de l'UPC en regard des d'impératifs sécuritaires et stratégiques communs, mais également les préconisations d'ordre politique, stratégique et sécuritaire que l'UPC adressera à l'UE, à l'UEM (ainsi qu'aux autres cadres d'action qui pourraient émerger à l'avenir) sur l'ensemble des questions de même nature qui requièrent également des réponses appropriées dans leur propre champ d'action ;

  - la construction progressive des socles opérationnels de coordination, de convergence, de spécialisation, de mutualisation et d'intégration à partir desquels les institutions compétentes de l'UPC édifieront non seulement le modèle mais également les différentes composantes du système européen global de Sécurité (y inclus notamment les objectifs et principes directeurs communs qui présideront à l'établissement des garanties de Sécurité, positives et négatives, ceux des mesures de confiance et des mesures de réassurance que l'UPC entend mettre en œuvre au travers de ses différents processus, ainsi que leur typologie) en mobilisant les mécanismes et instruments politiques et institutionnels prévus à cet effet ;

  - ainsi que la constitution des éléments destinés à renforcer la citoyenneté de l'Union en regard des exigences politiques, démocratiques et sécuritaires évoquées supra.
C'est à travers elle que doivent être pensés et conçus :

  - les processus de coordination, de convergence et de mutualisation (en termes d'analyses, de conceptualisation et de définition de doctrines) indispensables à l'instauration d'un véritable système européen global de Sécurité, et partant ceux indispensables :

   • à la définition d'une conception européenne, commune et unique, de la Sécurité ;

   • à l'établissement d'un ensemble cohérent de garanties, positives et négatives, et de mesures de confiance d'essence politique, institutionnelle et juridique (telles que : la détermination des frontières définitives de l'UE, les instruments permettant de garantir la rationalisation la cohérence des décisions de ses propres institutions comme des législations, des réglementations, des principes d'action, des doctrines et des procédures communautaires, intergouvernementales et/ou nationales vis-à-vis à la fois de son Droit interne mais également des dispositions du Droit international auxquels elle a choisi de souscrire) qui ont vocation à asseoir de manière irréversible et contraignante la cohésion, la cohérence et la solidarité politiques des Etats membres, afin que l'UPC ne se trouve jamais placée devant des défis graves pour la Paix, la Stabilité et la Sécurité à l'intérieur de ses frontières, ainsi que les conditions et les modalités concrètes de leur mise en œuvre et de leur évaluation ;

   • à l'instauration progressive d'une Justice européenne commune (notamment sur le registre pénal) sans laquelle aucune ‘Sécurité commune' ne peut être véritablement garantie de manière juste, équitable et proportionnée ;

   • à l'édification d'un Concept européen de ‘Sécurité intérieure' (cette notion de ‘Sécurité intérieure' recouvre ici l'ensemble des enjeux internes de Sécurité, bien au-delà des enjeux attachés au niveau d'un Etat à la sécurité intérieure), préalable à l'instauration d'une politique européenne commune de ‘Sécurité intérieure' ;

   • à l'approfondissement de la PESC, dans le cadre de la politique extérieure de l'UPC, ainsi qu'à un rapprochement des systèmes diplomatiques nationaux (notamment leurs composantes codificatrices en charge de la préparation et/ou de la négociation des textes internationaux, ainsi que leurs composantes consulaires ) ;

   • à l'élargissement du spectre des missions que l'UPC entend assigner à la PESD dans la perspective de la définition progressive d'une politique européenne de Défense commune ;

   • à l'édification d'un Concept stratégique global pour la politique de Sécurité de l'UPC ; ainsi que ceux indispensables à l'édification de l'architecture de Sécurité propre à l'UPC ;

   • à l'édification d'une véritable politique de communication de l'UPC en situation de crise, que cette crise soit interne ou externe ;

   • aux coordinations et mutualisations budgétaires qui sont appelées à se développer dans la cadre de l'UPC, notamment au travers de ‘lois cadres' et ‘lois' européennes d'orientation et de programmation qui requièrent à la fois la définition commune des ‘intérêts', des ‘objectifs' et des ‘indicateurs' attachés à chacune des missions cibles ainsi que de la définition des ‘agrégats budgétaires' correspondants ;

  - les objectifs, conditions et modalités de l'intégration dans l'UPC des instruments de coopération transnationale (organes, processus) développés en dehors de l'Union, ou à défaut de la reprise de leurs acquis, dès lors qu'ils apparaissent susceptibles de concourir à la consolidation de l'architecture de Sécurité ;

  - le socle minimal des exigences et des conditionnalités de nature ou de portée politique, stratégique et/ou sécuritaire qui devront figurer dans tout acte politiquement et/ou juridiquement contraignant auquel l'UPC entend souscrire au niveau international (y compris pour son propre élargissement et pour celui de l'OTAN) ;

  - les objectifs, conditions et modalités de l'institution de droits et d'obligations européens pour le citoyen et les institutions de l'UPC comme pour les Etats membres qui y sont parties sur les registres politiques, civiques et/ou civils (y compris celles relatives à l'établissement d'un ‘droit de pétition') ; ainsi que les instruments institutionnels et juridiques destinés à apporter les garanties nécessaires afin que tout manquement d'un Etat partie, d'un citoyen ou d'une Institution de l'UPC au respect des dispositions du traité en pareilles matières puisse faire l'objet d'un avis, d'un jugement et d'une sanction appropriée prononcés par la Cour de Justice de l'Union européenne.
Une deuxième dynamique doit avoir pour objet l'élaboration :

  - d'un système cohérent de garanties européennes communes de Sécurité, positives et négatives, de mesures de confiance et de mesures de réassurance d'essence politique, juridique et éthique qui ont vocation à étayer les corpus juridiques et doctrinaux de l'UPC dans les domaines judiciaire (police et justice) et diplomatique (qu'ils soit développés et mis en œuvre au niveau de l'UE ou au sein des Etats membres), tant en regard d'enjeux intérieurs que d'enjeux internationaux de Sécurité ;

  - ainsi que des conditions et modalités de leur mise en œuvre de manière solidaire à l'intérieur des frontières de l'UPC, 
  - en vertu des dispositions de la clause de solidarité adoptée par les chefs d'Etats et de Gouvernement réunis en Conseil européen -, que ces enjeux aient ou non des implications en matière de Défense.

C'est à travers elle que doivent être pensés et conçus :

  - l'ensemble des garanties et mesures évoquées ci-avant ainsi que les conditions et les modalités concrètes de leur mise en œuvre et de leur évaluation ;

  - ainsi que les conditions et modalités concrètes :

  • de la reprise par l'UPC de l'acquis du processus Schengen, conformément aux dispositions du Protocole correspondant qui est associé au traité constitutionnel, ainsi que de l'élargissement du groupe d'Etats parties à ce processus, ainsi que des dispositions pertinentes du Traité de Prüm,

   • de la mise en œuvre de la clause de solidarité,

  • de l'instauration d'un Service civil européen destiné à permettre à chaque jeune Européen qui le souhaite de s'engager dans un projet de solidarité permettant de donner corps à sa citoyenneté européenne dans différents registres de la Sécurité dans un autre pays membres de l'Union que le sien,

   • et d'une assistance consulaire commune des citoyens de l'UPC résidant dans - ou transitant par - un Pays tiers.

Une troisième dynamique doit avoir pour objet de créer les conditions les plus favorables à la sauvegarde des « intérêts » qui auront été définis en commun dans le cadre de l'UPC en regard des enjeux croisés de Stabilité et de Sécurité, que ces enjeux aient ou non des implications militaires ou en matière de Défense ; notamment en favorisant le développement pérenne d'une solidarité européenne concrète sur les registres de la Sécurité et de l'Intelligence économiques, en lien étroit avec les dynamiques propres à l'UEM.

Car les Européens qui auront choisi d'adhérer à l'UPC doivent pouvoir disposer, à chaque fois qu'ils sont engagés dans des processus de coopération et de compétition internationales (notamment lorsque l'Union arrête ses positions dans la perspective de négociations internationales ou qu'elle ouvre l'accès à ses programmes et à ses instruments à des tiers non membres de l'Union), des instruments (garanties de sécurité, positives et négatives, mesures de confiance et mesures de réassurance ) de nature juridique, commerciale, financière, monétaire, économique et comptable qui leur sont indispensables pour permettre à l'Union de maintenir sa compétitivité, d'améliorer le fonctionnement et assurer la protection de son marché intérieur, et de créer les conditions d'un développement durable sur son territoire.
C'est au travers une telle dynamique que doivent être créées les conditions et modalités de la concrétisation effective d'une telle solidarité ; laquelle doit se manifester :

  - dans les processus internationaux, européens ou nationaux dédiés à la codification ou à la normalisation dans les domaines économique, monétaire, comptable, financier, environnemental et technique ;

  - dans les processus internes à l'UPC qui visent à y déployer les différentes composantes d'une ‘fonction armement' élargie à la prise en compte des enjeux de gouvernance publique et de partenariats public-privé attachés à la mise en oeuvre de la conception européenne commune de la Sécurité décrite supra, en articulation étroite avec les instruments qui pourraient être déployés par ailleurs dans le cadre de l'UEM qui participent à la préservation des intérêts de Sécurité de l'Union ;

  - dans les processus dédiés à la protection des infrastructures européennes critiques établies sur le territoire de l'UPC ou ayant vocation à étayer ses performances (par exemple, le système Galiléo), ainsi que du patrimoine économique, monétaire, financier, commercial (marques, ...), scientifique et technique (découvertes, brevets, inventions, etc.) qui revêt un caractère sensible, avéré ou potentiel, en regard des mêmes intérêts que ceux évoqués supra ;

  - comme dans les processus débouchant sur la conclusion d'accords internationaux dans le cadre de la Politique extérieure de l'Union, que ces accords aient ou non des implications militaires ou en matière de Défense ( y compris ceux qui pourraient être conclus dans la perspective de l'établissement d'un ‘marché transatlantique').
Une quatrième dynamique doit avoir pour objet la définition et la mise en œuvre d'un ensemble cohérent d'instruments de nature militaire et civilo-militaire, en conformité avec les dispositions du Droit applicables en situation de guerre ou dans le cadre de régimes d'exception requérant un recours à la force armée pour assurer des missions de prévention, de protection/sauvegarde, de dissuasion, de répression et/ou de coercition, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur des frontières de l'UPC.
Il s'agit ici :

  - d'une part, de poursuivre et de consolider l'ensemble des dynamiques (capacitaires, doctrinales, ...) attachées à l'édification de la Politique européenne de Sécurité et de Défense (PESD),

  - et, d'autre part, de créer un cadre propice à son approfondissement sur les registres militaire et politico-militaire en vue de la mise en œuvre opérationnelle de la clause de garantie d'assistance mutuelle en cas d‘agression sur une base comparable à celle offerte par les dispositions inscrites au traité instituant une Constitution pour l'Europe, composante fondamentale d'une véritable politique européenne de Défense commune.

La cohérence d'ensemble des objectifs, des politiques et des instruments dédiés à chacune des quatre dynamiques décrites ci-dessus devra être assurée au moyen d'une ‘Stratégie commune' préparée et adoptée selon des mécanismes qui restent à imaginer. Nb : sur le plan comitologique, l'UPC pourrait tirer avantage d'une adaptation à chacun de ses processus de la méthode Lamfalussy en vigueur dans d'autres domaines politiques revêtant également une dimension stratégique.

Par ailleurs, ces dynamiques doivent se développer en interaction étroite avec celles propres aux autres formes d'Union d'ores et déjà instaurées (telles que l'UEM et l'Union douanière) ou qui pourraient être instaurées (sur le plan social, par exemple).

Quant au support institutionnel de l'UPC, il devra inclure nécessairement le Conseil européen, la Commission européenne, le Parlement européen, la Cour de Justice de l'UE ainsi que d'autres institutions de l'Union compétentes (Cour des Comptes, ...). Il devra faire apparaître de nouvelles institutions à même d'offrir les garanties nécessaires au succès de l'approche systémique qui doit guider le fonctionnement de l'UPC. Il devra notamment permettre aux Parlements nationaux d'y prendre toute leur place à travers un mécanisme approprié en tenant compte de l'expérience offerte par la COSAC (cf. à cet égard les dispositions idoines du traité de Lisbonne consolidé, notamment l'article 10 du protocole n°1 sur le rôle des Parlements nationaux dans l'Union européenne qui définit les modalités et les limites attachées au recours à une « conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l'Union » « dont les contributions ne lient pas les parlements nationaux et ne préjugent pas de leur position »).

Il devra également faire apparaître une Autorité européenne de Sûreté / Sécurité dotée des compétences nécessaires pour exercer les responsabilités incombant au Secrétariat général permanent du Comité européen réunissant les Autorités nationales de Sûreté / Sécurité (organe dont la création doit être décidée par le Conseil européen), ainsi que d'un mécanisme robuste permettant notamment à cette Autorité :

  - en amont de toute décision du Conseil européen, de vérifier avec l'appui dudit comité la cohérence d'ensemble et la pertinence des dispositions et propositions de toute nature qui seront soumises à l'approbation de ce dernier du seul point de vue des considérations stratégiques, internationales et sécuritaires,

  - d'établir le tableau de bord général de la mise en œuvre des décisions du Conseil européen relatives aux questions stratégiques, sécuritaires et internationales, et de coordonner les travaux de la Présidence visant à assurer la coordination politique et la concrétisation des diverses formes de solidarité requises par ces décisions,

  - en amont de toute négociation avec des tiers entreprise par l'une ou l'autre des Institutions de l'Union, de vérifier la cohérence d'ensemble et la pertinence des dispositions et propositions de toute nature qui seront formulées au nom de l'UE, du seul point de vue des considérations de Sécurité (y inclus des considérations juridiques : respect des dispositions du Droit interne et du Droit international) ; aux termes de ces négociations, de vérifier la cohérence d'ensemble et la pertinence des dispositions et propositions de toute nature auront été arrêtées au nom de l'UE, du seul point de vue des considérations de Sécurité.

Bien que de telles recommandations ne revêtent bien évidemment aucun caractère exhaustif, elles offrent néanmoins un éclairage utile sur ce que devrait apporter à l'Union européenne l'instauration de l'UPC en regard de la variété des enjeux politiques et des défis stratégiques et sécuritaires auxquels les Européens doivent faire face.

Le moment venu, l'Union devra s'attacher à traduire l'ensemble de ces innovations conceptuelles et politiques dans le traité, de manière appropriée (par étape, si nécessaire).    

NB : le présent article a été initialement publié sur ce blog le 20 janvier 2009.

 

 

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