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Publié par ERASME

LE CERCLE. Le climat insurrectionnel qui se développe en France, confirmé par les préfets, est alimenté, entre autres, par les nombreuses et douloureuses restructurations d’entreprises. Ce phénomène devrait s’amplifier. Aussi, compte tenu du contexte, les méthodes de résolution des problèmes de rentabilité et sureffectifs des entreprises en difficulté doivent être remises en cause. 

 

Dans leur alerte auprès du gouvernement sur le climat quasi insurrectionnel régnant actuellement en France, les préfets signalent que les «annonces successives de liquidations judiciaires et de plans sociaux (qui) marquent chaque jour de nouveaux esprits», provoquent un «climat douloureux» et même «un sentiment d'accablement». Or, ce type d’annonce devrait aller crescendo. En effet, en tant que dirigeant de transition professionnel, avec une expérience de la gestion de crise d’entreprise,  je constate un fort accroissement de sollicitations dans ce domaine depuis cet automne, pour des opérations dont  les médias ne parlent pas encore. Voici tout d’abord un éclairage de ce qui se prépare, tout en préservant la confidentialité des dossiers.

Un expert du recrutement de dirigeants spécialisés dans la restructuration d’entreprises me dit être submergé par les demandes, au point qu’il a exceptionnellement cessé de prospecter pour pouvoir traiter toutes les sollicitations. Les sociétés de capital retournement, les DRH et chasseurs de têtes rencontrés dans le cadre de leur recherche de CRO, Chief Restructuring Officers ou responsables restructuration, placent comme premiers critères de sélection : le nombre de PSE (Plan Social d’Entreprise) réalisés, l’expérience de la fermeture de sites et de la liquidation judiciaire, avant les capacités de créer un projet économique de relance. Enfin, les plannings des restructurations évoquées prennent en compte les prochaines échéances électorales de 2014 de façon à ce que ces opérations, douloureuses sur le plan social, subissent le minimum de pressions politiques.

Ces comportements privilégiant le résultat économique au dépend de l’impact social sont guidés par des orientations données par des actionnaires, dirigeants et donneurs d‘ordre subissant des contextes économiques et des degrés de gravité de crise de leur entreprise très variables. Aussi, l’objet de cet article n’est pas de mettre tout le monde dans le même sac et de critiquer tous ces acteurs du monde économique.

Il est par contre  important de souligner que le climat économique et social extrême décrit par les préfets va probablement compliquer la réalisation de ces « opérations douloureuses ». Pourra-t-on fermer des sites et réaliser de massifs plans sociaux « comme d’habitude » dans les mois prochains ? Les événements récents en Bretagne permettent d’en douter. Suffira-t-il d’augmenter les primes de licenciement pour faire accepter ces restructurations ? Difficilement, car ce principe trouve ses limites dans les capacités financières des entreprises en difficulté et peut provoquer une escalade de revendications et de crispations qui vont encore plus tendre l’atmosphère. De toute façon, cela ne résoudrait pas la question de fond : comment sauver notre économie et nos emplois ?

Il n’y a pas de solution universelle, cela se saurait, mais de nombreux exemples de crises d’entreprises qui ont permis de faire éclore de nouvelles activités et de préserver une bonne partie ou tous les emplois concernés. Ces expériences se basent sur des principes tels que : l’humain d’abord, l’ancrage territorial, la solidarité, la relocalisation, l’innovation, l’exploitation ou le développement des compétences, parfois le changement radical d’activité et le transfert de propriété de l’entité concerné à de nouveaux actionnaires plus portés sur des valeurs que sur le profit.

Par exemple, l’entreprise Ceralep, fabricant d’isolateurs électriques en porcelaine que son propriétaire souhaitait mettre en liquidation judiciaire, a été rachetée en 2004 par une cinquantaine de salariés, environ la moitié de l’effectif, soutenus par la communauté locale. L’entreprise s’est depuis développé et a recommencé à embaucher. Autre exemple, la filiale française de CCM Sulzer, fabricant de gros moteurs diesels, d’environ 2000 employés, était au bord de la faillite dans les années 80 du fait de la grosse chute du marché des chantiers navals. Plutôt que d’avoir recours à un licenciement massif, son dirigeant à parié sur l’imagination, l’énergie et la coopération de ses employés pour repositionner l’entreprise sur le marché des centrales électriques. 12 années plus tard l’entreprise était leader mondial dans son secteur.

A noter aussi le cas du Groupe Archer qui a convaincu en 2011 la société Sodimas, fabricant d’ascenseur, de remplacer le projet de délocalisation d’une partie de la production en Chine par un transfert de sa technologie au Groupe Archer en France. L’opération a été un succès et d’autres coopérations sont à l’étude entre les 2 entreprises.

On ne peut pas systématiser ces types de solutions, mais on peut sûrement les multiplier si elles sont privilégiées et facilitées par les actionnaires, dirigeants et donneurs d’ordre d’entreprises en difficulté. Cela peut leur paraître idéaliste et inenvisageable, car il n’est pas facile d’imaginer que la solution se trouve en dehors du périmètre habituel de l’entreprise ou que d’autres peuvent réussir là où l’on a échoué. Pourtant, comme l’a dit Albert Einstein « aucun problème ne peut être solutionné au même niveau de conscience que celui où il a été créé ». De plus, compte tenu du climat social et économique exceptionnel que nous vivons, ces décideurs ont intérêt à reconsidérer leurs méthodes habituelles de restructuration.

Dans ce contexte, la question ne doit plus être, par exemple, « Qui va s’occuper de réaliser le PSE et fermer le site afin de permettre à notre entreprise de redevenir rentable ? », mais « Comment allons-nous imaginer et mettre en œuvre une solution pour sauver le maximum d’emplois, tout en permettant à notre entreprise de redevenir rentable ? »

Les moyens à mettre en œuvre pour cela ne doivent pas être des experts uniquement en :
   • livres I et II du PSE,
   • reclassement individuel des employés,
   • fermeture de site
   • et liquidation judiciaire,

mais un nouveau manager, ou une équipe, ou un partenaire aux compétences suivantes :
   • savoir-faire pour élaborer, négocier et mener à bien un projet de réorganisation dont le PSE n'est qu'une composante optionnelle,
   • éthique, neutralité et capacité de dialogue avec toutes les parties prenantes, dans et hors de l’entreprise
   • vision et savoir-faire autant économique que social et sociétal
   • créativité et leadership pour faire éclore puis mettre en œuvre des solutions nouvelles.

On peut répondre à ces propositions qu’il existe déjà des obligations de reclassement du personnel pour les entreprises et des dispositifs de revitalisation de bassins économiques,… Oui, mais ces obligations et dispositifs seront beaucoup plus efficaces et porteurs de solutions durables si l’ensemble des actionnaires, dirigeants et donneurs d’ordres des entreprises en difficulté intègrent la sauvegarde des emplois (pas obligatoirement dans leur entreprise) comme une priorité.

Source : http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/social/relations-sociales/221184887/actionnaires-et-dirigeants-ont-role-a-jouer-fac

Voir également du même auteur : De quel style de Leadership avons-nous besoin au XXIe siècle ?

Voir aussi : L'investissement socialement responsable

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