Égypte : le pouvoir interdit toute nouvelle manifestation (Le Figaro.fr)
L'appel du «Mouvement du 6 avril» intervient quelques heures seulement après que les forces de l'ordre égyptiennes ont dispersé dans la nuit, avec de nombreux tirs de gaz lacrymogènes, les milliers de manifestants encore présents sur la place Tahrir, située dans le centre du Caire et proche de nombreux bâtiments officiels. Dans la capitale, environ 15.000 personnes ont manifesté mardi. En face, entre 20 et 30.000 policiers étaient mobilisés. Des rassemblements ont également eu lieu en province, d'Alexandrie, au nord, à Assouan, au sud, dans le delta du Nil ou dans la péninsule du Sinaï.
Les manifestants, parmi lesquels de très nombreux jeunes, ont scandé des slogans en faveur de réformes sociales et politiques. Ils répondaient à l'appel de plusieurs mouvements militant pour la démocratie à faire de mardi une «journée de révolte contre la torture, la pauvreté, la corruption et le chômage». Certains slogans, comme «La Tunisie est la solution» ou «Après Ben Ali, à qui le tour ?», étaient directement inspirés par les événements tunisiens qui ont conduit à la chute du président après 23 ans de règne. Des manifestants ont également scandé «Moubarak dégage», visant directement le président égyptien en place depuis 29 ans. Ces manifestations anti-gouvernementales sont les plus importantes depuis les émeutes de 1977 provoquées par une hausse du prix du pain, d'après certains spécialistes.
La journée avait par ailleurs reçu le soutien de l'opposant Mohamed ElBaradei, ancien responsable de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Les Frères musulmans, à la forte capacité de mobilisation, et le Wafd, premier parti d'opposition laïque, ne s'étaient pas officiellement associés à ce mouvement, tout en indiquant que leurs jeunes militants pouvaient se joindre aux cortèges. Ces appels «n'auront pas d'impact», avait de son côté assuré le ministre de l'Intérieur, Habib al-Adli, au journal gouvernemental al-Ahram. Qualifiant les organisateurs des manifestations d'«inconscients», le ministre avait assuré que «les forces de l'ordre sont capables de faire face à toute menace contre la sécurité de la population». «Nous ne prendrons à la légère aucune atteinte aux biens ni aucune infraction à la loi», avait-il ajouté.
La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a pour sa part assuré que le gouvernement égyptien, ferme allié des Etats-Unis au Moyen-Orient, était «stable». La Maison-Blanche a elle jugé que «le gouvernement égyptien a une occasion importante d'être sensible aux aspirations du peuple égyptien et de mener des réformes politiques, économiques et sociales qui peuvent améliorer sa vie et aider à la prospérité de l'Egypte». Washington appelle toutes les parties à s'abstenir de toute violence et s'attend à ce que le gouvernement égyptien réponde pacifiquement aux manifestations. La France a de son côté déploré les morts survenues lors de manifestations, à travers la voix de la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, qui a rappelé mercredi que la politique française vise à appeler «à plus de démocratie dans tous les Etats».
Dans la foulée des manifestations, le site de micro-blogs Twitter est par ailleurs inaccessible depuis mardi en Egypte, affirme le site herdict.org . Un porte-parole de Twitter s'est refusé à avancer une raison à la suspension inopinée du service dans ce pays.
Avec plus de 80 millions d'habitants, l'Égypte est le pays le plus peuplé du monde arabe. Plus de 40% de sa population vit en-dessous d'un seuil de pauvreté de deux dollars par jour. Ces derniers jours, plusieurs immolations par le feu ont eu lieu dans le pays, rappelant celle d'un jeune vendeur ambulant qui avait déclenché la révolte en Tunisie. Suite à celle-ci, le pouvoir égyptien a multiplié les déclarations assurant que l'Égypte ne présentait pas de risque de contagion. Les autorités ont toutefois laissé entendre qu'elles prenaient des dispositions pour éviter toute hausse des prix ou pénurie des produits de base, afin de ne pas aggraver le climat social.