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Publié par Patrice Cardot

Une chose est désormais certaine : l'Union européenne qui lancera la mise en oeuvre de sa nouvelle programmation pluriannuelle le 1er janvier 2014, à condition qu'ait alors été effectivement adopté le cadre financier pluriannuel pour la période 2014 - 2020, n'aura plus rien à voir avec celle qui existait lorsqu'ont été élaborées puis négociées les propositions de la Commission relatives à son contenu ! Et que dire de l'eurozone !

Ceci tient au fait qu'au cours des trois années de crises financière, bancaire, et de la dette souveraine, la longue série des sommets exceptionnels et autres sommets de la dernière chance  ont participé un nouveau cadre pour le renforcement de la gouvernance économique de l'Union économique et monétaire, et des instruments d'interventions nouveaux pour la zone euro.  

Outre le Pacte pour l'euro + (Conclusions revisées Pacte euro+-120305 Conclusions revisées Pacte euro+-120305 ) et les mesures nombreuses constitutives du nouvel acte pour le marché unique (cf. single-market-act2 en single-market-act2 en), l'Union économique et monétaire et l'eurozone seront régis dès 2014 par :

 

 * le paquet relatif à la gouvernance économique proprement dite ("six-pack" - Le six-pack, paquet de six mesures législatives visant à renforcer la gouvernance économique, est entré en vigueur (Europaforum.lu) ),

 * le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG - 08 - tscg.fr.12 08 - tscg.fr.12 ),

 * le paquet relatif à la surveillance budgétaire ("two-pack"),

auxquels s'ajouteront les instruments constitutifs de l'Union bancaire, à savoir :

* le mécanisme de surveillance unique (MSU), mais limité aux 200 plus grandes à la demande de l'Allemagne,

* les nouvelles règles relatives aux exigences en matière de fonds propres  (CRR/CRD),

* les directives relatives au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances, ainsi qu'aux systèmes de garantie des dépôts.

L'ensemble de ce dispositif pourra s'appuyer sur le Mécanisme européen de stabilité (MES), opérationnel depuis le vendredi 12 octobre 2012, qui peut intervenir afin de venir au secours d'un État membre de la zone euro ne parvenant pas à faire face à son surendettement public en raison des taux appliqués à ses titres sur les marchés obligataires, à condition que ce dernier ait ratifié le pacte budgétaire. Lorsqu'un mécanisme de surveillance unique (MSU) effectif aura été établi, le Mécanisme européen de stabilité (MES) pourra capitaliser directement les banques, et, dans l'hypothèse où une licence bancaire lui serait accordée, il pourra emprunter à la Banque centrale européenne aux taux en vigueur les ressources financières additionnelles qui lui seront nécessaires pour remplir ses objectifs.

Par ailleurs, l'Union européenne disposera probablement à l'horizon 2014 d'un nouveau système de ressources propres. 

Quant aux agences de notation financières, aux produits financiers dérivés, aux fonds spéculatifs, ils seront - enfin - soumis à des règles européennes contraignantes qui devraient participer à créer un nouveau climat en Europe (voir notamment, s'agissant des agences de notation : L'Union européenne se montre plus vigilante à l'égard des agences de notation ).

D'autres innovations pourraient intervenir dans les mois à venir (cf. Feuille de route pour l'achèvement de l'UEM (Extrait des conclusions du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012) ainsi que Herman Van Rompuy présentera, en juin 2013, un calendrier d'actions visant à approfondir l'union économique et monétaire ainsi que les articles auxquels il renvoie comme par exemple Jacques Delors et Henri Enderlein proposent la création d’une Agence européenne de la detteAccordons la licence bancaire au MES pour redonner à la puissance publique la souveraineté qu'elle a perdue !Trois évolutions - parmi d'autres - de l'UEM qu'il aurait fallu opérer ! ; Un fonds assurantiel d'ajustement cyclique pour la zone euro - Policy paper par Henrik Enderlein, Jann Spiess et Lucas Guttenberg (Notre Europe- Institut Jacques Delors) ou encore  Cadre financier pluriannuel de l'Union européenne : une clause de révision politique et financière en 2016 est indispensable pour relancer le projet politique et l'économie européens ).

Sans même envisager comme acquises à cette date les évolutions nouvelles qui pourraient résulter d'un nouvel exercice institutionnel visant à adapter les traités à la nouvelle donne politique, juridique, économique et sociale (*), on voit bien que le nouveau cadre européen  ne ressemblera en rien, en 2014, à celui qui a prévalu lorsque furent envisagés, esquissés, proposés et négociés les contenus des actions et politiques que l'Union entend mettre en oeuvre à partir du 1er janvier 2014 !

Dès lors, une question fondamentale nous est posée : faudra-t-il renégocier tout ou partie des accords européens intervenus et des décisions adoptées à l'égard des politiques et actions de l'Union envisagées pour la période 2014 - 2020 ?

Comme celà est déjà le cas s'agissant de la recherche et de l'innovation dont les ministres de tutelle se sont interrogés sur les instruments à privilégier dans un tel contexte (cf. Les ministres européens de la Recherche ont préparé leur contribution au Sommet européen de mars 2013 ), il me paraît raisonnable de l'envisager dans la mesure où, s'agissant par exemple des politiques et actions qui requièrent des investissements publics conjoints conséquents, à la fois européens et nationaux (voire régionaux) - comme les politiques et actions ayant trait à la compétitivité de l'économie européenne, à la recherche et à l'innovation -, les nouvelles capacités d'intervention, tant publique que privée, dont pourraient disposer l'eurozone  en tant que telle (Nouvelles ressources propres / EUbills / Eurobonds) et/ou les Etats membres (à la faveur des nouvelles marges de manoeuvre qu'offrira, notamment à leurs banques, le MES, ou encore le fonds assurantiel d'ajustement cyclique pour la zone euro s'il venait à être créé), pourraient alors justifier des ajustements significatifs des positions respectives ! 

Et il me semble encore plus raisonnable que nous nous y préparerions sérieusement !

(*) Les débats désormais ouvertement engagés sur les formes à donner à la réorientation de l'Union laissent à penser que nous nous engagerons progressivement dans la voie d'une fédération d'Etats nations à plusieurs vitesses, le cercle le plus intégré se constituant très probablement autour de l'euro ! Une telle réorientation de l'Union est déjà à l'oeuvre.

En effet, si l'esprit, sinon toute la lettre, du fil conducteur des réformes introduites pour la gouvernance de la zone euro et/ou pour la consolidation de l'Union économique et monétaire tend à renforcer les pouvoirs de régulation et de supervision du niveau supranational, cette évolution vers un modèle fédéral s'accompagne simultanément d'un vaste mouvement vers une plus grande harmonisation, une plus grande convergence, une meilleure coordination des politiques économiques, budgétaires et fiscales entre le niveau communautaire et le niveau national, d'une part, et entre les Etats-membres, d'autre part. Il suffit pour s'en convaincre de relire le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ou de prendre toute la mesure des ambitions portées par le processus dit du semestre européen, ou encore par les instruments connus sous les libellés six pack et two pack. Une telle réorientation nécessite pour autant un 'ajustement' du traité.

Autant que les questions fondamentales soulevées par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe lors de la procédure de ratification par l'Allemagne du Traité de Lisbonne (cf. à cet égard La Cour de Karlsruhe a jugé que le traité de Lisbonne était "compatible" avec la Loi fondamentale allemande à condition que l'Allemagne se dote d'un nouvel arsenal législatif), elle appelle un examen attentif des dispositions de ce traité qui ont trait aux catégories et domaines de compétences de l’Union ainsi qu'aux principes qui régissent leur attribution, leur exercice, ainsi que les dispositions qui ont trait à leurs éventuelles limitations et modifications.

Un tel examen doit conduire à opérer dans le droit primaire européen établi par le traité un certain rééquilbrage de l'exercice des compétences partagées entre l'Union et ses Etats membres qui vise non seulement à rendre possibles mais bien plus encore, à favoriser les indispensables coordinations, convergences, harmonisations que le Traité de Lisbonne, en son état actuel, ne favorise pas en raison notamment des ambiguîtés et incohérences au fond induites à la fois par le silence du texte sur certains points clés, et par le contenu des dispositions de certains des protocoles et déclarations qui y ont été annexés. Il en va notamment ainsi de l'exercice des compétences partagées (*).

Une réécriture des dispositions des textes en cause doit être entreprise afin de mettre en cohérence la forme décidée pour la réorientation de l'Union, le champ d'attribution et les modalités d'exercice des compétences.

Les concepts de 'programmation conjointe' et de 'partenariat public-public' comme les méthodes qui y sont attachées doivent pouvoir trouver dans le traité un cadre juridique approprié à la généralisation de leur emploi à de nombreux domaines politiques à l'égard desquels les Etats membres ont souhaité attribué une compétence à l'Union, qu'elle soit partagée ou d'action d'appui, de coordination ou de complément. Ne serait-ce que parce qu'ils favorisent les synergies, les cohérences, les coordinations qu'exige une plus grande intégration économique et politique au sein de l'Union européenne, et parce qu'ils s'inscrivent en parfaite cohérence avec l'esprit comme avec la lettre des intentions qui ont présidé à la mise en place du semestre européen ( Le "semestre européen", nouvel outil de coordination des politiques économiques et budgétaires (Europaforum.lu) ainsi que Retour sur le semestre européen : objectifs, atouts, questions en suspend ).  

Voir également :

 * Vouloir dévaluer l'euro par rapport au seul dollar est une ineptie ! - nouvelle édition -

 * La réflexion sur la dimension sociale de l'UEM est - enfin - entamée !

 * Pour un Pacte international permettant de limiter les risques systémiques associés à l'inflation et à la prolifération des dettes souveraines (nouvelle édition)

 * 'Programmation conjointe' et 'partenariat public-public' : deux voies d'avenir pour une fédération d'Etats nations efficace et solidaire !   


 

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