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Publié par Patrice Cardot

Voir la première partie de cet article : De la définition et de la défense des intérêts nationaux (première partie)

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Le grand 'retour' des intérêts nationaux dans les discours politiques ainsi que dans le "grand jeu" international
et européen 

Les effets traumatiques et déstabilisateurs de la récente succession de chocs et de crises graves sur les équilibres intérieurs de la nation américaine concourent à faire réémerger au sein des Etats-Unis des vélléités de protectionnisme économique doublées d'une méfiance à l'égard, d'une part, de la toute puissance des marchés financiers, d'autre part, des idéologies qui prônent un certain effacement des intérêts strictement nationaux derrière des intérêts supranationaux et/ou collectifs ainsi que derrière des intérêts privés et/ou multinationaux considérés jusqu'ici comme essentiels au bon fonctionnement de l'économie et du commerce mondiaux, à la croissance économique mondiale et au développement des échanges internationaux, et enfin, des processus de dérégulation, de concurrence libre et non faussée et de décloisonnement associés à la dynamique de libre échange à l'oeuvre au niveau planétaire depuis les années 70-80.

Les débats qui se développent autour des nouvelles orientations stratégiques de la politique étrangère, de la politique monétaire, de la politique économique et de la stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis depuis l'avènement d'une nouvelle administration à la tête de l'hyperpuissance américaine ajoutent une dimension politico-stratégique à cette profonde remise en question des dogmes fondamentaux de l'économie libérale en suscitant de très fortes interrogations quant aux effets possibles de ces évènements sur la politique de sécurité elle-même (cf. à cet égard le colloque organisé sur ce sujet Security Policy & the Global Financial Crisis (June 11, 2009 - Palais d’Egmont, Brussels) .

Force est de constater que ces mêmes vélléités, méfiances et interrogations se manifestent également dans tous les pays en proie aux mêmes difficultés que celles que traversent aujourd'hui les Etats-Unis eu égard aux étroites interpénétrations des économies en cause, au caractère global des dynamiques de marchés, à la très grande volatilité des capitaux et des ressources stratégiques les plus diverses qui s'y développent et s'y échangent, ainsi qu'à la prééminence sur les marchés économiques et monétaires d'un dollar sous-évalué en même temps qu'il joue le rôle si spécifique de monnaie de réserve (rôle qui lui est désormais de plus en en plus contesté).

Alors que les dirigeants des pays les plus puissants du monde plaident, notamment au sein du G20, en faveur d'un retour des Etats dans le contrôle et la supervision des dynamiques internationales de marchés et d'échanges de manière à atténuer les effets macroéconomiques, structurels, voire systémiques, de tels désordres, et, plus généralement, des formes appropriées de coopération et de coordination internationales dans les enceintes multilatérales dédiées à la mise en place de garanties, de mesures de confiance et de mesures de réassurance collectives appropriées aux défis de la globalisation stratégique, économique et financière, s'esquissent pourtant, ici et là, des stratégies individuelles articulées sur des intérêts strictement nationaux (ou sous-régionaux), ne serait-ce que pour limiter les effets déstabilisateurs de ces désordres sur les grands équilibres nationaux.

Cette situation nouvelle se traduit par la résurgence d'une certaine prééminence d'une conception étatique des intérêts nationaux sur tout autre nature d'intérêt (intérêts collectifs à l'échelle de la planète ou d'une région - intérêt européen, par exemple -, intérêts privés) en même temps que par une lecture de ces intérêts nationaux qui privilégie leurs dimensions politique, stratégique, sécuritaire et patrimoniale (attachement à la préservation d'un statut international, d'une autonomie de décision politique et/ou d'action, etc. ; manifestation et affirmation d'une posture stratégique - supériorité, neutralité - ; recherche des garanties d'accès à des ressources vitales, à des ressources essentielles aux intérêts de sécurité ; intervention étatique renforcée dans le contrôle et la supervision des entreprises et activités stratégiques, etc. ; manifestation constante d'un attachement à la sauvegarde des biens collectifs constitutifs du patrimoine national : institutions, langue, culture, monnaie, valeurs, principes, etc.).

Il en résulte dès lors un regain de compétition entre les Etats qui prend parfois la forme de confrontations ouvertes sur les lieux de production et d'échanges des ressources essentielles à la satisfaction de ces intérêts strictement nationaux (ou sous-régionaux).

L'Union européenne n'est pas épargnée par une telle confrontation !

Son avenir dépendra de l'existence ou non d'une volonté et d'une capacité réelles des Etats-nations de chercher à réconcilier la promotion et la sauvegarde de leurs propres objectifs et intérêts nationaux avec celle d'une conception commune robuste des objectifs et intérêts européens.

Aussi faut-il voir dans les audits entrepris - ou envisagés - (cf.  Audit sur l'impact des compétences européennes sur les objectifs et les intérêts nationaux : la France doit imiter le gouvernement britannique ! ) en Europe une volonté de clarifier les choses en la matière pour que puisse un jour émerger une voie politique durablement commune ! 

Voir également sur ce thème :    

 * De l'intérêt général

 * PENSER L'INTERET EUROPEEN : Du compromis entre intérêts nationaux à l’intérêt général européen    

 * Du pari des transferts de technologie face au risque de désindustrialisation ! - nouvelle édition -

 * Penser la stratégie signifie aujourd'hui penser et agir de manière à la fois globale et systémique

 * Retour sur images : Relancer et financer la recherche stratégique (Revue Défense nationale, octobre 2003)

 *  L'Union européenne cède à toutes les exigences des Etats-Unis, même à celles qui sont contraires à ses principes les plus fondamentaux  

 * La gouvernance mondiale est-elle au service de l’intérêt général global ? par Joseph Stiglitz - nouvelle édition -  

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